La crise énergétique, origine, conséquences et développements possibles

Depuis 2020, le prix de l’énergie ne cesse d’augmenter. Lorsqu’elle était liée à la reprise économique post-Covid, l’augmentation du prix de l’énergie était encore contrôlable, mais depuis février 2022, avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, tout s’amplifie. L’agence internationale de l’énergie (AIE) souligne bien que le contexte géopolitique entraîne des tensions sur les chaînes d’approvisionnement mondiales créant alors une « une véritable tourmente de l’énergie ». Ceci peut nous pousser à nous questionner quant à la soutenabilité du système énergétique actuel. Dès lors, au vu de la crise actuelle, devons-nous accélérer la transition énergétique – c’est-à-dire passer d’un système énergétique reposant presque exclusivement sur des sources d’énergie fossile – à un système centré sur des énergies renouvelables ? 

D’où provient la crise énergétique ?

    Comme précisé précédemment, le début de la crise énergétique peut être relié à la reprise économique tumultueuse post-Covid. En effet, la demande de matières premières (notamment en énergies fossiles telles que le gaz, le charbon et le pétrole) a fortement augmenté, entraînant alors une hausse des prix. Par exemple, en 2021, l’agence internationale de l’énergie recense une augmentation impressionnante de 6% de la demande en électricité, entraînant ainsi une augmentation de son prix. 

     S’ajoute à cela un contexte géopolitique difficile, entraînant lui aussi une augmentation de la facture d’énergie. Effectivement, pour certaines énergies tel que le gaz, l’Union européenne (UE) est fortement dépendante de certains pays. Prenons l’exemple de la France, qui ne produit pas –   ou très peu – de gaz. 99 % de sa consommation de gaz est issue de l’importation (provenant principalement de la Russie). Ainsi, la guerre confrontant la Russie à l’Ukraine a nécessairement impacté les livraisons de gaz, conduisant alors à une flambée des prix du gaz. Notons également que, au sein de l’UE, le cours de l’électricité suit celui du gaz, car les deux énergies sont couplées. Autrement dit, si le prix du gaz augmente, le prix de l’électricité augmente également. Par conséquent, la guerre en Ukraine accroît nécessairement le prix de l’énergie de manière générale.  

Qu’en est-il actuellement ? 

    Après l’explosion des prix de l’énergie en 2022, une lueur d’espoir se dessine pour les consommateurs en Europe. En effet, depuis le début de l’année 2023, les prix du gaz et de l’électricité connaissent une tendance à la baisse, offrant un soulagement attendu par les ménages et les entreprises qui ont souffert des coûts énergétiques élevés pendant deux ans. Cependant, malgré cette diminution, les tarifs restent encore largement supérieurs à ceux d’avant crise et devraient rester élevés jusqu’en 2027.

Vers une transition énergétique ?

     Bien qu’en apparence la situation s’améliore, nous pouvons nous questionner sur la soutenabilité du système actuel. Nous ne sommes pas sans savoir que le futur est relativement incertain, dû notamment à une recrudescence des conflits géopolitiques. Dès lors, être dépendant de certains pays sur le plan énergétique ne serait-il pas risqué ? 

Prenons l’exemple de la France et l’importation de pétrole. La production de pétrole n’étant pas possible en France métropolitaine, l’importation est un passage obligé afin de s’approvisionner. Ainsi, la France fait appel à différents pays exportateurs de pétrole, comme l’Algérie. Or, l’Algérie entretient des relations conflictuelles avec ses pays voisins. Dès lors, si l’Algérie rentrait en guerre, la France pourrait rencontrer des difficultés en termes d’approvisionnement. 

   De plus, dans une logique d’atteinte de neutralité carbone, l’utilisation accrue de l’énergie fossile peut poser question. En effet, sur le plan environnemental, l’exploitation de ces énergies conduit à une hausse des émissions des gaz à effet de serre, notamment de CO2. En 2018, les émissions de CO2 atteignaient 37,9 milliards de tonnes, soit une multiplication par 2,4 depuis 1970. Ces émissions sont issues à 39 % de la combustion de charbon, contre 30 % pour le pétrole et 19 % pour le gaz naturel. Le charbon, le pétrole et le gaz naturel représentent à eux trois, 88% des émissions de CO2, participant ainsi fortement au réchauffement climatique. Si nous n’apportons aucun changement significatif à notre mode de vie actuel, le GIEC prévoit une hausse de 4 °C d’ici la fin du siècle, ce qui entrainerait une élévation du niveau de la mer, et donc la submersion de certains territoires. Par exemple, certaines îles telles que les Maldives ou Tuvalu sont particulièrement touchées par la montée des eaux. D’autres sites clés pour notre santé économique tel que Dunkerques (le plus grand port de France) pourraient eux aussi être touchés par ce phénomène. S’ajoute à cela, des risques majeurs sur le plan médical. Les gaz à effet de serre liés à l’utilisation des énergies fossiles peuvent causer des problèmes pulmonaires mais favorisent également la diffusion des maladies tropicales sous des latitudes tempérées. Par exemple, le paludisme, maladie transmise par le moustique tigre, est désormais présente en France, alors que le territoire était jusqu’alors épargné. Le réchauffement climatique entraîne aussi une perturbation des courants marins, ce qui favorise la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes (tempête, cyclones, périodes de sécheresse…).

En bref, l’exploitation d’énergie fossile favorise le réchauffement climatique, qui se présente comme une menace à la fois pour la population et pour les sites de production. 

Se pose également la question de la quantité de ressources disponibles. Le gaz et le pétrole sont des énergies fossiles ce qui induit que leurs stocks sont, par définition, limités. Robert Gordon, économiste américain, montrait il y a déjà plus de dix ans dans un article, que l’énergie était un facteur pouvant être une menace à la croissance économique. En effet, Robert Gordon, qui, il y a deux décennies, fut sceptique face au nouveau système économique mis en place, prédit dans un article publié en 2012 que la croissance pourrait quasiment disparaître sous l’effet de six « vents contraires » : démographie, inégalités, éducation, mondialisation, coût de l’énergie et dette seraient autant de marqueurs de la perte de vitesse de l’économie. Ainsi, la transition énergétique peut apparaître comme une alternative aux énergies fossiles, permettant de résoudre leurs problèmes environnementaux et économiques.

La transition est-elle réellement possible ? 

Il existe de nombreuses alternatives aux énergies fossiles. En effet, bien qu’il soit controversé, le nucléaire permettrait d’entamer une transition énergétique, puisqu’il ne rejette aucun ou très peu de gaz à effet de serre. En ce sens, les membres de l’UE ont longuement débattu afin de savoir si l’on considère ou non le nucléaire comme une énergie renouvelable. Notons également qu’il est possible de produire de l’électricité à partir de l’eau. Effectivement, l’hydroélectricité pourrait être une alternative aux énergies fossiles. Par exemple, il existe de nombreux lacs alpins dédiés à la production d’électricité. C’est le cas du lac du Sautet, un lac artificiel situé à la limite des départements de l’Isère et des Hautes Alpes. Il alimente trois centrales pour une production estimée à 400 millions de kWh.

Certains pays sont largement avancés dans la transition énergétique, ce qui peut nous laisser croire qu’il est possible de répondre à la crise énergétique et écologique grâce aux énergies renouvelables. Prenons comme exemple le cas du Portugal, où la consommation d’électricité a été entièrement assurée par des énergies renouvelables pendant plus de 6 jours, entre le 31 octobre et le 6 novembre.

        Mais cet optimisme peut atteindre ses limites. Effectivement un certain nombre de facteurs montrent que le chemin à parcourir est encore long. En effet, notons dans un premier temps que nous sommes actuellement dépendants des énergies fossiles. Cette dépendance est soulignée par Jean-Marc Jancovici, fondateur et président de The shift project, qui note que « le pétrole est partout ». En effet, le pétrole est une matière première utilisée par l’industrie de la pétrochimie pour la production d’un grand nombre de produits de la vie quotidienne : matières plastiques, peintures, colorants, cosmétiques, etc. Le secteur du transport utilise lui aussi majoritairement des énergies fossiles. 

     Notons également que la transition énergétique représente un coût économique important. Michel Dervedet, Président de Confrontations Europe, ancien Secrétaire général d’ENEDIS a chiffré, en se référant à une étude de Bloomberg, le coût de la transition énergétique en France à 5 300 milliards d’euros, dont 3 800 milliards pour les énergies renouvelables et 1 500 milliards pour l’hydrogène. De la même manière, la Cour des comptes européenne estime, sur la base des travaux du HLEG (High Level European Group), à 11 200 milliards d’euros le coût de la transition énergétique à l’échelle de l’Europe entre 2021 et 2030, soit 1 120 milliards €/an. Ce coût peut être expliqué par divers facteurs comme la recherche, ou encore la fabrication des éoliennes, des panneaux solaires, etc…

Or, gardons en vue que les finances publiques françaises sont déficitaires. En 2022, le déficit public s’établit à 126,8 milliards d’euros, soit 4,8 % du produit intérieur brut (PIB). Ceci peut alors remettre en cause la transition énergétique. Effectivement, si l’État n’a pas la capacité de financer le projet, comment la transition peut-elle avoir lieu ? 

Ecrit par Louis Aubertin

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