Jeudi 7 février 2023, le président français Emmanuel Macron déclarait devant les différents chefs de parti que le soutien de la France à l’Ukraine ne devait plus connaitre de limites . Par ces termes tenus une semaine après sa déclaration où il envisageait un déploiement de troupes françaises sur le sol ukrainien, nous comprenons qu’il y a une forte volonté de mettre en échec la politique d’agression du Kremlin. Paris affiche une fermeté nouvelle, après sa position initiale qui consistait à aider Kiev sans pour autant humilier la Russie. Malheureusement pour V. Zelensky, la France s’éloigne de ses alliés depuis ces déclarations. L’objectif affiché des Occidentaux reste toujours le même : faire perdre la Russie. Néanmoins, leur soutien semble moins ferme et conditionné aux résultats d’échéances électorales, comme celle de novembre prochain aux Etats-Unis. Tout ceci nous amène donc à penser le futur : le futur de la guerre, ainsi que l’après-guerre.
Une Ukraine en difficulté sur le front
La contre-offensive ukrainienne du printemps 2023 a échoué, c’est un fait et ce malgré la fourniture conséquente de matériels militaires occidentaux divers. Cette contre-offensive devait permettre d’enfoncer les positions russes notamment entre la Crimée et le Donbass, ce qui aurait pu mettre en péril des approvisionnements de la péninsule sous contrôle russe et ainsi donner un avantage non négligeable aux forces armées ukrainiennes. Cet échec est un revers important pour Kiev, non seulement le front n’a pas été enfoncé du fait des fortifications russes et de l’amélioration de l’armée de Poutine, mais en plus les Ukrainiens ont dépensé énormément de munitions qui leur font cruellement défaut aujourd’hui. Désormais, et malgré des coups d’éclat ukrainiens, l’initiative stratégique appartient à Moscou, l’Ukraine étant contrainte de fortifier à son tour ses positions pour résister aux assauts méthodiques des Russes.
Une aide occidentale entre promesses et difficultés d’exécution
L’aide occidentale à l’Ukraine est très importante (96 milliards d’euros de promesse selon Statista), enfin tout du moins dans les mots. En effet, malgré les promesses d’adopter une économie de guerre (E. Macron) ou le Zeitenwende (O. Scholz), les alliés de l’Ukraine peinent à fournir tous les équipements qu’ils promettent. A titre d’exemple, les pays de l’Union européenne s’étaient engagés à fournir un million d’obus à Kiev, mais pour le moment seul un tiers a pu être fourni. Malgré notre bonne volonté, nos économies ne peuvent pas suivre les cadences de tirs des Ukrainiens, du fait de 3 décennies de désarmement.
Autre incertitude, les Etats-Unis. Le président Biden est un fervent opposant à Vladimir Poutine, néanmoins, le démocrate n’a pas la majorité à la Chambre des représentants où les représentants trumpistes des Républicains bloquent l’envoi de nouvelles aides. L’hypothèse du retour de Trump à la Maison Blanche en janvier prochain a également de quoi inquiéter les alliés, puisque l’ex-président a déjà annoncé qu’il ne supporterait pas Zelensky s’il était réélu.
Cette hypothèse d’un retour du président Trump aux affaires ne peut être exclue et pause de nombreuses questions à l’Europe et l’Ukraine. Les membres de l’Union européenne pourront-ils et auront-ils la volonté de supporter seul le poids des dépenses lié aux aides ukrainiennes alors que l’allié américain (premier donateur international pour l’Ukraine avec environ 42 milliards d’euros d’aides) se retire ?
Une aide à l’Ukraine, oui mais avec quelle finalité ?
Nos dirigeants, européens et américains aident massivement l’Ukraine, mais leurs envois de matériels semblent ne pas répondre à une question : pour quel objectif ? Les militaires parlent d’état final recherché, or il ne semble pas que cet été final ait été défini par nos chancelleries. Celles-ci justifient bien leurs aides en disant que l’objectif est la défaite de la Russie, ou bien la victoire de l’Ukraine. Néanmoins, ces termes sont flous et larges. Une victoire de l’Ukraine peut signifier plusieurs choses : un retour aux frontières de janvier 2022, c’est-à-dire une reprise des terres conquises par les Russes depuis le début de « l’opération spéciale ». Mais cela peut aussi vouloir dire une reprise totale du Donbass occupé depuis 2014, voire une reprise de la Crimée rattachée officiellement à la Russie depuis un référendum (non reconnu par la communauté internationale). D’un autre côté, défaite de la Russie peut simplement signifier que celle-ci reste embourbée en Ukraine, dans une guerre sans fin, ou bien un retour aux frontières officielles, la chute de Moscou, … La marge de manœuvre est donc grande. Au vu de la situation et des divers changements dans la sémantique de nos dirigeants, il apparait clairement un besoin de consultation et d’union entre alliés pour aller tous vers un même état final recherché et quitter cette stratégie d’envois au jour le jour qui répond seulement au besoin moral d’aider Kiev.
Quels futurs possibles ?
Nous l’avons dit, l’avenir n’est pas limpide et de nombreuses incertitudes pèsent sur l’Ukraine et ses alliés, une seule certitude demeure, la volonté et la détermination du Kremlin bien décidé à remporter sa guerre, et ce quoi qui leurs en coûte. Face à un ennemi aussi puissant et déterminé, les chances d’une victoire ukrainienne sont maigres, pour ne pas dire presque nulles. Néanmoins, cela ne veut pas dire qu’envoyer de l’aide à l’Ukraine est inutile, bien au contraire. Si une victoire de Kiev s’avère presque impossible, une victoire russe n’est pas certaine pour autant. Il est probable que dans un avenir relativement proche, des négociations s’ouvrent sous la pression d’acteurs extérieurs (occidentaux ou chinois par exemple). Les belligérants ne peuvent supporter éternellement le poids de ce conflit et seront amenés à faire paix. Mais avant de faire la paix, chacun cherchera une victoire militaire afin d’être en position de force pour négocier et obtenir le maximum lors des négociations.
In fine, ce conflit n’a pas une finalité déjà inscrite dans le marbre. Le sort de l’Ukraine et ses populations est encore à écrire, mais il dépend véritablement des soutiens étrangers et notamment de ceux de l’Oncle Sam face à une Russie qui vraisemblablement prend chaque jour un peu plus l’avantage, bien que cela se fasse au prix de terribles pertes. Il est plus qu’incertain que ce conflit se termine sur une victoire ukrainienne. Sans vouloir jouer à Madame Irma, il est probable que nous devions accepter l’annexion d’une partie du territoire ukrainien (Donbass, Crimée et pourtours de la mer d’Azov) par la Russie. Cet état de fait que nous ne souhaitons pas est malheureusement plausible puisque malgré nos déclarations et accords, notre faiblesse due à 30 ans de désarmement et d’aveuglement stratégique nous imposent une réalité. La morale de cette histoire est peut-être la suivante, « Si vis pacem, para bellum », que ceux qui veulent assurer la paix se donnent les moyens de la protéger. Dans un monde où les tensions et rivalités s’exacerbent, la puissance ne respecte que la puissance, à charge pour nous Européens de le comprendre et de redevenir des acteurs et écrivains de l’Histoire.
Ukraine: how to apprehend the future of the conflict?
On Thursday, February 7, 2023, French President Emmanuel Macron declared before the various party leaders that France’s support for Ukraine should no longer know limits. From these words spoken a week after his statement in which he envisaged the deployment of French troops on Ukrainian soil, we understand that there is a strong will to thwart the Kremlin’s aggressive policy. Paris is showing a new firmness, after initially having established its position of helping Kiev without humiliating Russia. Unfortunately for V. Zelensky, France has distanced itself from its allies since these declarations. The declared objective of the West remains the same: to make Russia lose. Nevertheless, their support seems to be less firm and unconditional on the results of elections, such as that in November in the United States. All of this leads us to think of the future: the future of war, as well as the post-war period.
Ukraine in trouble on the Front.
The Ukrainian counter-offensive in the spring of 2023 has failed, it is a fact, despite the consistent supply of various Western military equipment. This counter-offensive was intended to break down Russian positions, particularly between Crimea and Donbass, which could have endangered supplies to the Russian-controlled peninsula and thus given a significant advantage to the Ukrainian armed forces. This failure is a major setback for Kiev, not only has the front not been broken by Russian fortifications and Putin’s improved military, but the Ukrainians have spent a lot of ammunition that they sorely lack today. From now on, and in spite of Ukrainian glamour, the strategic initiative belongs to Moscow, with Ukraine in turn being forced to fortify its positions in order to resist the systematic assaults of the Russians.
Western Aid Between Promises and Difficulties of Execution.
Western aid to Ukraine is very important (96 billion euros promised according to Statista), at least in words. Indeed, despite promises to adopt a war economy (E. Macron) or the Zeitenwende (O. Scholz), Ukraine’s allies are struggling to deliver all the equipment they promise. For example, the countries of the European Union had pledged to supply one million shells to Kiev, but so far only one third has been provided. Despite our goodwill, our economies are unable to keep pace with the Ukrainian fire rate, as a result of three decades of disarmament.
Another uncertainty is the United States. President Biden is a staunch opponent of Vladimir Putin; however, the Democrat does not have a majority in the House of Representatives where Trump’s Republican representatives are blocking the sending of new aid. The assumption of Trump’s return to the White House in January also has cause for concern among the allies, since the former president has already announced that he would not support Zelensky if re-elected.
This hypothesis of President Trump’s return to business cannot be ruled out and pauses many questions for Europe and Ukraine. Will the members of the European Union be able and willing to bear the burden of spending on Ukrainian aid alone while the US ally (the largest international donor to Ukraine with around €42 billion in aid) withdraws?
Helping Ukraine, yes, but for what purpose?
Our leaders, both European and American, are massively helping Ukraine, but their shipments of equipment do not seem to answer one question: for what purpose? The military speak of a desired final state, but it does not seem that this final summer has been defined by our chancelleries. They justify their aid by saying that the objective is either Russia’s defeat or Ukraine’s victory. However, these terms are vague and broad. A victory for Ukraine could mean several things: a return to the borders of January 2022, i.e. a takeover of the lands conquered by the Russians since the beginning of the “special operation,” but it could also mean a total takeover of the Donbass occupied since 2014, or even a takeover of Crimea officially annexed to Russia following a referendum (not recognized by the international community). On the other hand, Russia’s defeat may simply mean that it remains bogged down in Ukraine, in an endless war, or a return to official borders, the fall of Moscow, … So there’s a lot of room for maneuver. In view of the situation and the various changes in the semantics of our leaders, it is clear that there is a need for consultation and unity among allies in order to move all towards the same desired final state and to move away from the strategy of day-to-day sending which only responds to the moral need to help Kiev.
What possible futures?
As we have said, the future is not clear and there are many uncertainties hanging over Ukraine and its allies, but one certainty remains: the will and determination of the Kremlin to win its war, and what it will cost them. Faced with such a strong and determined enemy, the chances of a Ukrainian victory are slim, if not almost nil. However, this does not mean that sending aid to Ukraine is pointless, quite the contrary. While a victory in Kiev is almost impossible, a Russian victory is not certain. Negotiations are likely to start in the relatively near future under pressure from outside players (e.g. Western or Chinese). The belligerents cannot endure forever the burden of this conflict and will be forced to make peace. But before making peace, everyone will seek a military victory in order to be in a strong position to negotiate and get the most out of the negotiations.
In the end, this conflict does not have a purpose already enshrined in stone. The fate of Ukraine and its people is yet to be written, but it really depends on foreign support, especially that of Uncle Sam in the face of a Russia that is likely to gain a little more advantage every day, albeit at the cost of terrible losses. It is beyond doubt that this conflict will end in a Ukrainian victory. Without wishing to play Mrs. Irma’s role, it is likely that we would have to accept the annexation of part of Ukraine’s territory (Donbass, Crimea and the area around the Sea of Azov) by Russia. This state of affairs, which we do not wish for, is unfortunately plausible because, despite our declarations and agreements, our weakness due to 30 years of disarmament and strategic blindness imposes a reality on us. Perhaps the moral of this story is, “Si vis pacem, para bellum”, that those who want to ensure peace give themselves the means to protect it. In a world where tensions and rivalries are intensifying, power only respects power, and it is up to us Europeans to understand it and to become actors and writers of history once again.