2024 : l’année politique

Introduction

2024 représente un tournant politique majeur à travers le monde. En effet, 4,1 milliards de personnes sont appelées aux urnes, soit plus de la moitié de la population mondiale. De ce fait, ces élections vont probablement redessiner le paysage politique mondial à court terme. Pas moins de soixante-seize scrutins nationaux (législatifs et présidentiels) auront lieu dans le courant de cette année, pouvant changer la position politique de nombreux acteurs de la scène internationale. Dans un contexte géopolitique particulier, il apparaît primordial de suivre de près ces élections. En effet, un « Trump II » ou un tournant progressiste à Taïwan pourraient constituer un tournant majeur dans les affaires internationales. C’est pourquoi il est nécessaire de faire un tour d’horizon de ces élections afin d’être en mesure de déchiffrer la géopolitique de demain.

L’Europe : de nouveau en état « de mort cérébrale » ?

           Le temps des urnes est plus que jamais présent en Europe pour cette année. Entre les élections présidentielles états-uniennes et russes – dont les résultats seront cruciaux au vu de la situation géopolitique actuelle sur le Vieux Continent – se dressent également les élections au Parlement européen en juin prochain. Si la réélection de Vladimir Poutine ne fait plus aucun doute, il est également plus qu’envisageable que Trump revienne à la Maison Blanche pour un second mandat dès 2025. Combiné à un euroscepticisme qui pourrait se matérialiser lors de ces futures élections européennes, le visage de l’Europe pourrait radicalement changer très prochainement.

En effet, la cause ukrainienne semble être moins soutenue par le candidat républicain, pouvant alors rapidement annihiler les différents espoirs que Bruxelles a nourris sur cette question. D’autant plus que derrière ce conflit commencé il y a maintenant deux ans environ, c’est tout l’OTAN qui risque d’être remis en question. Le 45èmeprésident des Etats-Unis est particulièrement sensible à la rétractation de son pays dans les affaires internationales. Si demain Bruxelles se retrouve sans le parapluie américain, les choses changeront pour sûr. Au-delà des préoccupations en périphérie de l’Europe, Bruxelles va possiblement observer un changement dans sa politique interne avec notamment une voix eurosceptique de plus en plus forte et écoutée depuis la crise du covid. Dans une Europe affaiblie par des positions divergentes de plus en plus nombreuses, les futures élections pourraient également questionner le projet européen. L’Europe est donc plus que jamais à la croisée des chemins.

Asie : des élections tiraillées entre continuité et changement

Taïwan, la Corée du Sud, l’Indonésie, l’Inde et le Pakistan sont entre autres appelés à voter. Si l’issue de certains votes comme les présidentielles en Indonésie ou le vote de la chambre basse du Parlement indien devrait être dans la continuité politique de celle connue aujourd’hui, le résultat des autres reste encore flou. En revanche, le doute plane encore sur le futur de l’Assemblée nationale sud-coréenne dont les répercussions géopolitiques pourraient être importantes. Maillon important de la stratégie américaine, un changement de position politique de la part du pays du matin calme pourrait établir une nouvelle donne entre les puissances régionales asiatiques. À noter la victoire récente du parti progressiste taïwanais qui reste dans la lignée politique précédente.

Afrique : la démocratie est-elle réellement en danger ?

Le continent africain va également connaître une succession d’élections durant l’année. Alors que le report du scrutin présidentiel au 15 décembre avait été voté par le Parlement, cette décision a été annulée par le Conseil constitutionnel car il s’agit d’une violation de la constitution. Le Conseil constitutionnel exige que les élections soient organisées dans les meilleurs délais. A l’image de la situation actuelle au Sénégal, le continent africain fait face à une crise démocratique sans précédent. Plusieurs coups d’État récents ont eu lieu et témoignent d’une forte remise en cause du fonctionnement démocratique des États. Continent aux projections exponentielles, l’Afrique représente l’avenir du monde de demain. Ces élections doivent donc être suivies de près afin de cerner les futurs enjeux liés à ce continent.

Moyen-Orient : des élections sous haute tension

Enfin, le Moyen-Orient qui connaît une période de turbulences entre le conflit israélo-palestinien et la révolte Houthis au Yémen, va également être concerné par les élections. Le géant chiite organise des élections législatives en mars prochain. Les conservateurs et ultra conservateurs se font face et devraient nous renseigner sur la politique interne du pays pour les prochaines années. Si l’Iran est le seul pays du Moyen-Orient à voter dans la région, le résultat des présidentielles américaines ne peut être omis tant la région compte pour la Maison Blanche. En effet, les récents conflits régionaux ont augmenté d’un niveau la tension, faisant du Moyen-Orient, plus que jamais, une poudrière sur le point d’exploser. Le résultat des élections présidentielles américaines nous en dira beaucoup sur l’avenir potentiel des relations israélo-américaines dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas. En effet, Trump est très proche d’Israël et il a même participé au rapprochement de l’Etat hébreux avec les pays arabes à travers les Accords d’Abraham. À l’inverse, depuis la victoire de Biden, les Etats-Unis ont diversifié leurs alliances et semblent donc moins proches d’Israël qu’auparavant. 

Amérique latine : un tournant sur le continent ?

Six élections présidentielles vont se tenir cette année : Mexique, El Salvador, Panama, République dominicaine, Uruguay et Venezuela. Concentrons-nous sur deux d’entre elles : les élections mexicaines et vénézuéliennes. 

L’élection présidentielle mexicaine qui aura lieu le 2 juin sera placée sous le signe du symbole. En effet, il s’agira d’un scrutin 100% féminin alors que le pays bat des records en matière de féminicides. Les deux favorites pour succéder au président sortant, Andres Manuel Lopez Obrador, sont Claudia Sheinbaum, l’ancienne maire de Mexico et membre du parti Moreno, parti de gauche actuellement au pouvoir, et la Sénatrice Xochitl Galvez à la tête d’une coalition de trois partis d’opposition. À l’heure actuelle, les sondages donnent la victoire à l’ancienne maire de la capitale mexicaine. Elle a d’ores et déjà annoncé que si elle remportait ces élections, elle suivrait la même politique économique et sociale que son mentor et prédécesseur, AMLO. Une chose est sûre, la future présidente à la tête du Mexique devra faire face à une importante crise migratoire et à l’inquiétude grandissante des Etats-Unis et surtout de Joe Biden à l’approche des élections américaines. Ce sujet est devenu un sujet clé de la campagne électorale. Selon la police aux frontières, fin 2023, ce n’était pas moins de 10 000 personnes en provenance du Mexique qui tentaient de traverser chaque jour la frontière illégalement. Ainsi, les autorités américaines ont déclaré être débordées et avoir dû redéployer leurs effectifs pour qu’ils se concentrent sur l’interception et l’enregistrement de ces migrants. 

Quant au Venezuela, la date précise n’est pas encore fixée mais l’actuel président, Nicolas Maduro, se présente aux élections présidentielles et compte bien décrocher un troisième mandat. Celui-ci espère convaincre l’électorat nationaliste grâce à sa proposition d’annexion de l’Essequibo, une région riche en pétrole située au Guyana et représentant les deux tiers de son territoire. Néanmoins, un accord avait été signé entre les deux pays, stipulant un non-recours à la force… Nicolas Maduro risque une nouvelle fois d’amoindrir sa crédibilité alors que celle-ci avait déjà été mise à mal lors de sa réélection en 2018. Sa victoire avait été considérée comme frauduleuse et donc de nombreux pays avaient décidé de ne pas la reconnaître à l’instar des États-Unis. Alors que le gouvernement Maduro et l’opposition avaient signé un accord en octobre 2023 pour des élections libres et transparentes en 2024 en échange d’une levée des sanctions sur leur pétrole par les Etats-Unis, il semblerait qu’il cherche à évincer toute opposition présumée. L’une de ses opposantes, la libérale Maria Corina Machado, a récemment été déclarée inéligible par la cour suprême vénézuélienne, fidèle au gouvernement Maduro, alors qu’elle avait quelques mois plus tôt largement remporté les primaires de son camp avec plus de 90% des suffrages. Plus récemment, c’est l’avocate et opposante notoire de Maduro, Rocío San Miguel, qui a été placée en détention. Après avoir tardé à évoquer l’arrestation de celle-ci (plus de 48h), le procureur général a parlé de “mandat d’arrêt” sur X et a précisé qu’elle était soupçonnée d’être impliquée dans le projet “Bracelet blanc” dont l’objectif serait d’assassiner Nicolas Maduro ainsi que d’autres hauts fonctionnaires. Le parquet compte la poursuivre pour trahison, conspiration et terrorisme. Son mari, José Gonzales De Canales Plaza, ancien colonel de l’armée de l’air sera poursuivi pour “révélation de secrets politiques et militaires concernant la sécurité de la nation.

Conclusion

Une guerre qui s’enlise sur le sol européen, des tensions en mer Rouge et en mer de Chine méridionale, un conflit Israël/Hamas qui semble sans issue, une montée en puissance de la marine chinoise, une économie mondiale au ralenti, une montée du populisme, une crise des migrants à la frontière américano-mexicaine, une progression de l’extrême-droite en Europe, une politique isolationniste grandissante aux Etats-Unis, le danger de la désinformation qui plane au-dessus de nos têtes, des tensions à la frontière entre le Guyana et le Venezuela : voici le contexte dans lequel les prochaines élections vont se dérouler. Une chose est sûre :  dans un monde aussi connecté et interdépendant, les conséquences de chacune de ces élections seront majeures.

2024: the political year

Introduction

2024 will be a major political watershed worldwide. Indeed, 4.1 billion people will be called to the polls – more than half the world’s population. As a result, these elections are likely to reshape the global political landscape in the short term. No fewer than seventy-six national elections (legislative and presidential) will take place in the course of this year, potentially changing the political position of many players on the international scene. In this particular geopolitical context, it is vital to keep a close eye on these elections. Indeed, a « Trump II » or a progressive paradigm change in Taiwan could constitute a major turning point in international affairs. That’s why it’s important to take a closer look at these elections in order to decipher tomorrow’s geopolitics.

Europe: « brain dead » again?

           This year, it’s more than ever time for Europe to go to the polls. Between the US and Russian presidential elections – the results of which will be crucial in view of the current geopolitical situation on the Old Continent – there are also the European Parliament elections scheduled in June. While Vladimir Putin’s re-election is no longer in doubt, it is also more than likely that Trump will return to the White House for a second term as early as 2025. Combined with Euroscepticism, that could eventually materialize in these future European elections, the face of Europe could radically change very soon.

Indeed, the Ukrainian cause seems to be less supported by the Republican candidate, which could quickly annihilate the various hopes that Brussels has nurtured on this issue. All the more so since, behind this conflict which began some two years ago, NATO as a whole is likely to be called into question. The 45st President of the United States is particularly sensitive to his country’s withdrawal from international affairs. If tomorrow Brussels finds itself without the American umbrella, things will certainly change. Over and above concerns on Europe’s bordering regions, Brussels is likely to see a change in its internal politics, with the Eurosceptic voice growing louder and more listened to since the covid crisis. In a Europe weakened by a growing number of divergent positions, future elections could also call the European project into question. More than ever, Europe is at a crossroads.

Asia: elections torn between continuity and change

Taiwan, South Korea, Indonesia, India and Pakistan are among the countries called to vote. While the outcome of some votes, such as the presidential elections in Indonesia and the vote in the lower house of the Indian parliament, should be in line with the political continuity of today’s vote, the outcome of others remains unclear. On the other hand, the future of the South Korean National Assembly is still in doubt, with potentially far-reaching geopolitical repercussions. An important link in US strategy, a change in the political stance of the Land of the Morning Calm could establish a new relations between Asia’s regional powers. One should also recall the recent victory of the Taiwanese Progressive Party, which remains in line with previous political trends.

Africa: is democracy really in jeopardy?

The African continent will also be witnessing a range of elections throughout the year. Although Parliament had voted to postpone the presidential poll until December 15, this decision was overturned by the Constitutional Council as a violation of the constitution. The Constitutional Council demands that elections be held as soon as possible. Like the current situation in Senegal depicted above, the African continent is facing an unprecedented democratic crisis. Several recent coups d’état bear witness to a serious questioning of the democratic functioning of states. A continent with exponential growth projections, Africa represents the future of tomorrow’s world. These elections must therefore be followed closely in order to identify the future challenges facing this continent.

Middle East: elections under high tension

Finally, the Middle East, which is experiencing a period of turbulence between the Israeli-Palestinian conflict and the Houthi revolt in Yemen, will also be affected by the elections. Iran is expected to be holding parliamentary elections next March. Conservatives and ultra-conservatives face off, and this should tell us a lot about the country’s internal politics over the next few years. The Shiite giant is the only Middle Eastern country going to the polls in the region this year, and the outcome of the American presidential elections shouldn’t be overlooked, given the importance of the region for the White House. Indeed, recent regional conflicts have ratcheted up tensions, making the Middle East, more than ever, a powder keg on the verge of exploding. The outcome of the US presidential elections will tell us a lot about the potential future of Israeli-American relations in the context of the war between Israel and Hamas. Indeed, Trump is very close to Israel, and even helped bring the Hebrew state closer to Arab countries through the Abraham Accords. Conversely, since Biden’s victory, the United States has diversified its alliances and therefore seems more remote to Israel than before. 

Latin America: a turning point for the continent?

Six presidential elections will be held this year: Mexico, El Salvador, Panama, Dominican Republic, Uruguay and Venezuela. Let’s focus on two of them: the Mexican and Venezuelan elections. 

Mexico’s presidential election on June the 2nd will be a symbolic one. In fact, it will be a women’s election, at a time when the country is breaking records for feminicide. The two front-runners to succeed outgoing president Andres Manuel Lopez Obrador are Claudia Sheinbaum, former mayor of Mexico City and member of the leftist Moreno party currently in power, and Senator Xochitl Galvez, who heads a coalition of three opposition parties. At present, the polls show the former mayor of Mexico City as the winner. She has already announced that, should she win the elections, she will follow the same economic and social policies as her mentor and predecessor, AMLO. One thing is certain: the future president of Mexico will have to deal with a major migratory crisis, and with the growing concerns of the United States, and especially of Joe Biden, in the run-up to the American elections. This has become a key issue in the election campaign. According to the border police, by the end of 2023, no fewer than 10,000 people from Mexico were attempting to cross the border illegally every day. As a result, U.S. authorities said they were overwhelmed and had to redeploy their manpower to focus on intercepting and registering these migrants. 

As for Venezuela, the precise date has not yet been set, but the current president, Nicolas Maduro, is standing for election to the presidency, and intends to win a third term. He is hoping to win over the nationalist electorate with his proposal to annex the Essequibo, an oil-rich region of Guyana that accounts for two-thirds of his territory. Nevertheless, an agreement was signed between the two countries, stipulating a non-use of force… Nicolas Maduro risks once again undermining his credibility, which had already been damaged by his re-election in 2018. His victory was considered fraudulent, and many countries, including the United States, decided not to recognize it. While the Maduro government and the opposition had signed an agreement in October 2023 for free and transparent elections in 2024 in exchange for the US lifting sanctions on their oil, it would appear that he is seeking to oust any perceived opposition. One of his opponents, the liberal Maria Corina Machado, was recently declared ineligible by the Venezuelan Supreme Court, loyal to the Maduro government, even though a few months earlier she had amply won her party’s primaries with over 90% of the vote. More recently, Maduro’s notorious opponent and lawyer, Rocío San Miguel, was taken into custody. After delaying to mention her arrest (for more than 48 hours), the Attorney General spoke of an « arrest warrant » for X and specified that she was suspected of involvement in the « White Wristband » project, the aim of which was to assassinate Nicolas Maduro and other high-ranking officials. The public prosecutor intends to prosecute her for treason, conspiracy and terrorism. Her husband, José Gonzales De Canales Plaza, a former Air Force colonel, will be prosecuted for « revealing political and military secrets concerning the nation’s security.

Conclusion 

A war that’s getting bogged down on European soil, tensions in the Red Sea and the South China Sea, an Israel/Hamas conflict that seems to have no way out, the rise of the Chinese navy, a slowing global economy, a rise in populism, a migrant crisis on the US-Mexico border, the rise of the far right in Europe, a growing isolationist policy in the USA, the danger of misinformation hanging over our heads, tensions on the border between Guyana and Venezuela : this is the context in which the next elections will take place. One thing is certain: in such a connected and interdependent world, the consequences of each of these elections will be major.

Ecrit par Flora Jezequel et Thomas Richard

Traduit par Henry Mott

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