De nombreuses stars du football ont cédé aux pétrodollars et ont récemment signé pour des clubs saoudiens jusqu’alors peu connus du grand public. Parmi eux, le Ballon d’Or 2022, Karim Benzema, la légende du football, Cristiano Ronaldo, ou encore, le champion du monde, N’Golo Kanté. Jusqu’où le prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salmane, est-il prêt à aller pour redorer l’image de son pays sur la scène internationale ? Ne pourrait-on pas y voir une stratégie à long terme ?
- Une nouvelle stratégie tournée vers le sport
Aujourd’hui, le soft power est un moyen incontournable pour un pays d’exercer sa puissance. Ainsi, le sport est devenu un facteur essentiel au rayonnement d’un État sur la scène internationale. C’est pourquoi, la diplomatie du sport est un moyen d’action très prisé des pays du Golfe. En effet, le Qatar a développé dès les années 2000 ce nouvel outil de diplomatie. À titre d’exemple, la monarchie qatarie a racheté le club de football Paris Saint-Germain en 2011, a développé ses propres médias sportifs et a attiré toute l’attention en 2022, en organisant la Coupe du monde masculine de football. C’est pourquoi, l’Arabie saoudite cherche entre autres à rattraper son retard dans ce domaine et à concurrencer ses voisins. Son PIB quatre à cinq fois supérieur à celui du Qatar permet au royaume saoudien d’investir dans des projets sportifs toujours plus nombreux et plus ambitieux.
L’entrée de l’Arabie saoudite dans le monde du sport a débuté en 2016 avec la tenue de différents événements sur son territoire tels que des tournois de tennis, de boxe ou encore de catch. Le pays a effectué une montée en puissance progressive avec le rachat, par son fonds souverain, du club de Newcastle en 2021, un fleuron de la Premier League. Mohammed ben Salmane, communément appelé MBS, espère faire de sa ligue l’une des dix meilleures du monde à l’échelle mondiale. Pour atteindre ses objectifs, il n’hésite pas à recruter de grands noms du monde footballistique et à dépenser des sommes astronomiques pour le mercato estival 2023. Le championnat a donc obtenu la troisième place parmi les plus dépensiers pour cette édition.
D’ici à ce que l’organisateur de la Coupe du monde masculine de football 2030 soit officiellement annoncé, le prince héritier saoudien cherche déjà à mettre toutes les chances de son côté en accroissant sa présence sur la scène sportive internationale. En effet, le calendrier semble plutôt bien rempli pour les mois et années à venir entre l’accueil de la vingtième édition de la Coupe du monde des clubs en décembre 2023, l’organisation de la Coupe d’Asie en 2027, et l’accueil des Jeux olympiques asiatiques d’hiver en 2029.
Le prince héritier Mohammed ben Salmane a également la mainmise sur d’autres sports : le golf et la Formule 1. En effet, depuis 2021, le grand prix d’Arabie saoudite a lieu sur le circuit de Djeddah. Par ailleurs, il investit beaucoup dans le golf avec le lancement, en 2022, d’un nouveau circuit appelé « LIV Golf», faisant concurrence aux circuits nord-américain et européen. Ce qui a d’ailleurs abouti en juin 2023 à un accord stipulant la fusion des activités commerciales et des droits du PGA Tour, du DP World Tour et enfin du LIV Golf.
- Le sport au service du soft power saoudien
L’Arabie saoudite en soif de puissance, développe son soft power à travers la diplomatie sportive afin de contrebalancer les scandales qui ont entaché sa réputation. En effet, le prince héritier MBS cherche à faire oublier l’assassinat du journaliste saoudien, Jamal Khashoggi, opposant au régime, ayant eu lieu en octobre 2018 au sein du consulat d’Arabie saoudite à Istanbul. La seconde ombre au tableau est l’intervention militaire saoudienne au Yémen. Cette guerre a déclenché une crise humanitaire sans précédent. Ces événements avaient d’ailleurs engendré une mise à l’écart du prince héritier MBS par les dirigeants occidentaux, jusqu’à la visite du président Joe Biden le 15 juillet 2022. Ainsi, ces footballeurs n’ont pas été recrutés pour leurs seules compétences professionnelles et leur renommée mais aussi pour redorer l’image de l’Arabie saoudite à l’international.
En outre, il ne faut pas oublier que les sommes mirobolantes investies dans le sport par MBS sont également motivées par une stratégie élaborée avec précision, cherchant à répondre aux défis économiques, politiques et sociaux auxquels fait face le royaume. Mohammed ben Salmane ne cherche pas seulement à faire taire ses détracteurs, mais aussi à assurer l’avenir à long terme de son pays.
- Le développement de la culture du sport pour penser l’après-pétrole
Il est vrai que l’État du Golfe dispose de vastes richesses, mais celles-ci sont issues pour la majorité de l’exploitation du pétrole et du gaz. Afin de diminuer sa vulnérabilité à une période où le monde cherche à tendre vers une économie décarbonée, l’Arabie Saoudite lance en 2016 un vaste plan de modernisation appelé « Vision 2030 ». Il a pour objet l’opération d’une réelle diversification de l’économie en investissant dans le tourisme, le sport, etc. Cela explique l’effervescence de ses projets actuels, comme en témoigne le mégaprojet de divertissement Qiddiya, dont la construction a débuté en 2019. Il a pour objectif d’attirer les investisseurs et les touristes. En fait, MBS veut utiliser tant qu’il en est encore temps, la manne pétrolière pour financer l’ensemble de ses projets. Donc cela explique aussi que le prince héritier chercher à maintenir absolument un prix de baril élevé, c’est-à-dire entre 75 et 80 dollars. Dans cette logique, il fait diminuer la production pour faire monter les prix.
- Quelles sont les portées politiques et sociales de cette stratégie ?
Cette nouvelle stratégie s’inscrit également dans une logique interne. Le gouvernement saoudien fait preuve d’une extrême vigilance concernant une potentielle émergence d’événements similaires aux manifestations populaires qui ont eu lieu lors des « printemps arabes » entre 2010 et 2011. Afin de diminuer ce risque, MBS et son administration cherchent à acheter la paix sociale en faisant la promotion du sport et des loisirs.
Par ailleurs, le gouvernement incite, par la même occasion, la population à la pratique de l’activité physique. Selon l’autorité saoudienne des statistiques, les enfants et les jeunes représentent 67% de la population nationale. D’après une étude publiée par le ministère de la Santé, aujourd’hui, 59% des habitants du royaume souffrent de surpoids ou d’obésité. Même si ce pays a les moyens de couvrir ces coûts médicaux, ceux-ci restent extrêmement élevés pour n’importe quel État. Ce serait donc un soulagement économique pour l’Arabie saoudite.
Ses ambitions sont claires, et il semble peu probable que le prince héritier Mohammed ben Salmane renonce définitivement à faire de l’Arabie saoudite, une superpuissance sportive. On ne peut ignorer la détermination grandissante du royaume à devenir, à terme, une entité incontournable du sport mondial. Il semblerait que développer sa culture du sport fasse partie de sa stratégie pour devenir un acteur global non seulement à l’échelle régionale, mais surtout à l’échelle planétaire.
Sport is the new diplomatic weapon of Saudi Arabia
Many football stars have succumbed to the use of petrodollars and recently signed with Saudi clubs which were until then little known by the public. Among them, the 2022 Golden Ball Karim Benzema, the football legend Cristiano Ronaldo, or the world champion N’Golo Kanté. How far is Mohamed Ben Salmane, the crown prince of Saudi Arabia, ready to go to improve the image of its country on the international stage? Can a long-term strategy be seen through his action?
A new strategy focused on sport
Soft power is an indispensable means for a country to exercise its power today. Thus, sport has become a key factor for the state’s influence on the international stage. Sport diplomacy is a coveted policy instrument for Gulf States. In fact, since the 2000’s, Qatar has developed this diplomacy tool. For instance, in 2011, the Qatari monarchy bought out the Paris Saint-Germain football club, launched its own sports media and brought the attention of all in 2022 with the organization of the men’s football World Cup. Saudi Arabia is trying to catch up its delay in this field and competie with its neighbours. Its GDP is four to five times higher than Qatar’s one. This enables the Saudi kingdom to invest in sport projects ever more numerous and ambitious.
Saudi Arabia’s entry into the world of sports began in 2016 with different events which took place on its territory, such as tournaments of tennis, box, or catch. The power of this country has gradually risen with the acquisition of the Newcastel club in 2021, a jewel of the First League, thanks to its sovereign wealth fund. Mohammed bin Salman, who is commonly named MBS, is hoping to make his league become one of the ten best ones on the world scale. To make his goals a reality, he does not hesitate to recruit big names of the football world and in spending astronomical amounts for the 2023 summer window. The championship was ranked third among the biggest spenders for this edition.
The official announcement of the host of the 2030 edition of men’s football World Cup is latent. In the meanwhile, the crown prince of Saudi Arabia is already attempting to stack the odds in his favour by broadening his presence on the international sports scene. In fact, the schedule seems to be full for the coming months and years. It includes Saudi Arabia to host the 20th edition of the clubs’ World Cup in December 2023, the organization of the Asian Cup in 2027 and the welcome of the Asian Olympic Games in winter 2029.
The crown prince Mohammed bin Salman also has a stranglehold on other sports: golf and Formula 1. Since 2021, Saudi Arabia’s grand prix takes place on the Djeddah circuit. Otherwise, he is investing a lot in golf for the launch in 2022 of a new circuit called “LIV Golf”. The latter is competing with North American and European circuits. In June 2023, this resulted in an agreement stating the merger of the commercial activities and the rights of the PGA Tour, the DP World Tour, and the LIV Golf.
The sport put at the service of the Saudi soft power
The thirst for power of Saudi Arabia makes the country develop its soft power throughout sport diplomacy. The aim is to counterbalance the scandals which have tarnished its reputation. The crown prince MBS is trying to overshadow the assassination of the Saudi journalist, Jamal Khashoggi, an opponent to the political regime. He was murdered in Istanbul, in October 2018, inside the consulate of Saudi Arabia. The other downside involves the military action of the country in Yemen. This war generated an unprecedented humanitarian crisis. Those events led to the side-lining of the crown prince MBS by the Western leaders, until the visit of Joe Biden on the 15th of July 2022. Thus, football players were not recruited only for their professional skills and their reputation, but also to improve the image of Saudi Arabia on the international scale.
It must not be forgotten about the tantalising amounts invested in sport by MBS. They are also driven by a strategy elaborated with precision, trying to answer economic, political, and social challenges the kingdom is facing. Mohammed bin Salman does not only attempt to silence his detractors, but also tries to ensure the future of his country with a long-term perspective.
To develop sport culture to think about the post-oil era
From fact, the Gulf State owns multiple wealth. However, most of them come from the exploitation of oil and gas. To decrease its vulnerability in a period when the world is moving towards a carbon free economy, in 2016, Saudi Arabia launched a comprehensive and modernization plan called “Vision 2030”. Its aim is to operate a real diversification of the economy by investing in tourism, sport, etc. This explains the effervescence of his current projects, as shown by the megaproject of the Qiddiya entertainment, whose construction began in 2019. The objective is to attract investors and tourists. While there is still time, MBS wishes to rely on oil wealth to finance all his projects. This also explains that the crown prince tries so hard to maintain high the price of the barrel, this means between 75 and 80 dollars. Following this logic, he lowers the level of production to drive up prices.
What are the political and the social significances of this strategy?
This new strategy is part of an internal logic. The Saudi government exercises alertness regarding a potential emergence of similar events such as popular demonstrations which occurred between 2010 and 2011, during the “Arab Spring”. To reduce this risk, MBS and his administration wish to buy social peace by promoting sport and leisure activities.
Moreover, at the same time, the government encourages the population to exercise. According to the Saudi Authority of statistics, children and the youth represent 67% of the national population. From a study published by the Ministry of Health, nowadays, 59% of the inhabitants of the kingdom are overweight or suffer from obesity. Even if this country can afford the medical costs, they remain extremely high for whatever state. This would enable an economic relief for Saudi Arabia.
Mohammed bin Salman’s ambitions are clear, and it is unlikely that he will abandon to make Saudi Arabia a sport superpower. We cannot ignore the increasing determination of the kingdom to become, eventually, an essential feature of world sport. To develop sport culture would appear to be part of his plan to become a global leader, not only on a regional scale but on a global scale above all.