Le 30 octobre 2022 a été un jour de bascule pour la population brésilienne. Le retour du célèbre homme de gauche au pouvoir est vu comme une aubaine pour les Brésiliens les plus en difficultés, qui se considèrent comme oubliés par l’ancien président, Jair Bolsonaro. En effet, ce jour marque le passage d’une ère présidée par un personnage d’extrême droite ne mettant pas la priorité de son mandat sur la diminution inégalités, qui ont été accentuées durant la crise sanitaire, à un homme issu du parti communiste mettant un point d’honneur sur les actions sociales.

Lula da silva, un homme déjà connu pour ses actions sociales

Lula n’est pas novice en politique. En effet, présent dans la vie politique brésilienne depuis la fin de la dictature militaire (1985), Lula a toujours été la tête de file de la gauche. Il finit par accéder au pouvoir lors de deux mandats successifs de 2003 à 2010 lors desquels il met la priorité sur des mesures sociales parfois très ambitieuses. Son but est de faire reculer la pauvreté de masse au Brésil qui concerne en 2003 près du quart de la population. Grâce à des aides massives à destination des plus pauvres, le président devient très populaire auprès des tranches de la population les plus pauvres. La Bolsa Familia, le plan phare des deux mandats de Lula, a permis à près de 20 millions de Brésiliens de sortir de la pauvreté. Cette aide, à destination des plus pauvres, se matérialise sous forme d’allocations d’un montant de 400 réais (monnaie brésilienne), soit 65€ tous les mois. Toute personne avec un revenu inférieur à 85 réais (23,8€) et toute famille ayant moins de 170 réais par tête a accès à cette aide. A la fin des deux mandats en 2010, 10% de la population brésilienne sort de la pauvreté et près de 14 millions d’emplois sont créés.

Le retour de Lula à la présidentielle de 2022

Après être sorti de prison en 2019, Lula se lance dans la campagne présidentielle face à Jair Bolsonaro. De même que lors de son ancien mandat, Lula met l’accent sur le côté social de son programme dans le but de trancher avec son prédécesseur plutôt concentré sur les thématiques économiques et de sécurité. Le leader de la gauche est considéré comme un véritable espoir pour les tranches de la population les plus en difficulté pour sortir de la pauvreté.

En effet, en 2022, encore 33 millions de Brésiliens souffrent de la faim et ne peuvent pas subvenir à leurs besoins essentiels. Afin de diminuer drastiquement ce chiffre, Lula souhaite renforcer le programme « Bolsa Familia » qui a été un succès lors de ses précédents mandats, ce qui fait grimper fortement sa cote de popularité. En effet, le candidat s’est engagé à dépenser 198 milliards de réais par an, ce qui correspondrait à augmentation des aides de 50% en passant les allocations de 400 réais à 600 réais (de 70€ à 100€).

D’autre part, Lula souhaite mettre en place d’autres solutions toujours dans le but de faire face à la pauvreté de masse, qui est un véritable fléau dans le pays depuis la crise sanitaire. Afin de lutter contre la crise économique et plus particulièrement, l’inflation qui touche fortement la pays, le candidat souhaite augmenter le salaire minimum en le faisant passer à 1212 réais (240€) afin de suivre l’augmentation des prix et de permettre aux Brésiliens de conserver le même pouvoir d’achat. D’autre part, la protection sociale en générale serait accrue pour le prochain mandat, surtout au niveau de l’accès aux soins.

Enfin, Lula souhaite mener une politique forte contre la criminalité dans le but de réduire l’insécurité dans les quartiers les plus défavorisés mais surtout pour montrer aux électeurs que son rival, Jair Bolsonaro n’a pas le monopole de la sécurité. Cet engagement aurait pour but de limiter les trafics de drogues (pour la plupart illégaux) particulièrement actifs dans les quartiers pauvres comme les favelas. Ces trafics engendrent des tensions entre les différentes organisations et créent des guerres de gangs qui dérivent souvent en tueries de masses et contribuent à maintenir l’instabilité dans ces quartiers déjà très en difficultés. En réponse à cela, Lula souhaite mener une politique anti-drogue ambitieuse à l’aide d’un dispositif policier important particulièrement dans les grandes villes afin d’éviter les instabilités.

Un nouveau président au pouvoir contesté

Depuis son élection le 30 octobre, le président Lula a une légitimité très contestée. En effet, la courte majorité aux élections obtenue face à Jair Bolsonaro de seulement un peu plus d’un point a engendré des manifestations massives à son égard. Ces mouvements ont même atteint la capitale, Brasilia lors du dimanche 8 janvier avec l’intrusion de milliers de manifestants dans les institutions brésiliennes qui ont fait vaciller le pouvoir en place.

Pour autant, Lula a conscience que sa légitimité n’est pas acquise. Pour cela, le président a enchaîné les discours rassembleurs, dès son arrivée au pouvoir lors de son discours d’investiture, « Je vais gouverner pour 215 millions de Brésiliens, et pas seulement ceux qui ont voté pour moi ». Toutefois, Lula met toujours l’accent sur les mesures sociales comme il l’a confirmé dès sa prise de fonctions, « Plus personne ne sera un citoyen de seconde classe ».

Des mesures ont déjà été mises en place dans un premier temps au niveau de la législation sur les armes à feu. En effet, le président a choisi de suspendre toutes les ventes d’armes à travers le pays et exigé la réévaluation des permis de port d’armes pour tous les propriétaires d’armes. Cette mesure met un coup d’arrêt aux politiques bolsonariennes qui avaient libéralisé les armes et multiplié celles-ci par 6 en quatre ans.

Le président Lula incarne l’espoir d’un Brésil plus égalitaire, ouvert et durable. En opposition complète avec son prédécesseur, il déconstruit certaines lois mises en place sous Bolsonaro favorisant les inégalités et la pauvreté de masse tout en donnant peau neuve au système qu’il avait mis en place pendant ces deux mandats précédents et qui a été perpétué par Dilma Rousseff.

Romain Sestier
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