En 2022, les investissements dans la transition énergétique ont bondi de près de 32%, dépassant le cap symbolique des 1 000 milliards d’euros. La crise énergétique en Europe et la flambée des prix, consécutives à la coupure des approvisionnements en provenance de la Russie, ont véritablement accéléré la transition énergétique. Mais cela est loin d’être suffisant. Les spécialistes le martèlent : la transition énergétique et le désengagement des énergies fossiles sont tous deux un volet essentiel de la lutte contre le réchauffement climatique. Les intentions sont là, les ambitions ne manquent pas, les initiatives émergent, les objectifs sont énoncés, certes, mais les États semblent paralysés. En Islande ou à Madère, des infrastructures et technologies innovantes favorisant les énergies vertes ont déjà vu le jour grâce à l’engagement conjoint des chercheurs, citoyens et politiciens, preuve qu’une coordination est possible. Mais comment croire en des actions concrètes, toujours marginales, alors que les aides au pétrole et les habitudes de consommation perdurent. Progresser sur la transition énergétique suppose des prises de risque, aux États d’arbitrer entre des intérêts contraires, ce qui est loin d’être chose facile. Des difficultés indéniables certes, mais la transition énergétique demeure un sujet tellement déterminant qu’elle ne peut être négligée.
La transition énergétique, un sujet crucial pour les années à venir
La transition énergétique est définie comme la transformation profonde de notre système énergétique. Autrement dit, il s’agit du passage de notre système énergétique actuel, fondé sur des ressources majoritairement non renouvelables comme les énergies fossiles, vers un système énergétique exploitant majoritairement des ressources renouvelables. Au-delà de l’exploitation des ressources, la transition énergétique signifie également la réduction de l’impact environnemental des énergies lors de la production, de la distribution et de la consommation.
La transition énergétique semble aujourd’hui essentielle afin de lutter contre le changement climatique, majoritairement dû aux émissions de gaz à effet de serre. Cependant, les enjeux de la transition énergétique ne sont pas uniquement écologiques. Tout d’abord, il existe aussi des enjeux sanitaires, puisque la pollution de l’air liée au réchauffement climatique entraîne de nombreuses infections respiratoires. Les enjeux sont également économiques, politiques et géopolitiques. La question énergétique est au cœur des débats publics et mondiaux, car elle influe à la fois sur le pouvoir d’achat et sur le degré d’indépendance des pays. La guerre en Ukraine l’a montré une nouvelle fois, mettant en péril l’approvisionnement de certains pays comme l’Allemagne, tout en questionnant l’importance de la diversification des approvisionnements.
De plus en plus de pays s’inscrivent aujourd’hui dans cette dynamique de transition énergétique, puisqu’elle semble essentielle à la fois pour l’avenir de la planète mais également pour construire son indépendance face aux pays producteurs.
Des performances à analyser avec un œil critique
De nombreux classements et indices nous permettent de comparer les différentes performances des pays. Cependant, chacun de ces classements sont à prendre avec recul afin de comprendre correctement la situation actuelle.
Les pays les plus pollueurs en termes d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) sont la Chine, les Etats-Unis et l’Inde. L’Union européenne se place quant à elle à la 3eme position, derrière les Etats-Unis. Habituellement, c’est ce classement qui est pris en compte quand on souhaite distinguer les performances de chaque pays. Hors, il est également possible de considérer le Climate Change Performance Index (CCPI), qui est un système de notation élaboré par l’organisation allemande de l’environnement et du développement Germanwatch. Ce dernier permet de suivre et d’évaluer les performances de 57 pays et de l’Union européenne en matière d’action climatique. Le CCPI évalue la performance de chaque pays dans quatre catégories : émissions de GES (40 % de la note totale), Énergies renouvelables (20 %), Usage de l’énergie (20 %) et Politique climatique (20 %). Le pays en tête du classement est la Suède, grâce à ses performances en matière d’émission de gaz à effet de serre, d’énergie renouvelable et de politique climatique. La France est classée 28ième. Ce classement permet d’appréhender d’une manière plus juste la position des pays en termes de transition énergétique. L’indice de performance environnementale, développé par les chercheurs des universités de Yale et de Columbia, est un indice permettant d’évaluer, de comparer et d’améliorer l’efficacité des politiques environnementales des pays du monde. Ici, se sont le Danemark, le Royaume-Uni, la Finlande, Malte et la Suède qui sont en tête du classement.
De la peine à intégrer le climat dans l’horizon politique
Indéniablement la guerre en Ukraine, par les bouleversements qu’elle a généré, a contraint les Européens à repenser leur mix énergétique en apprenant à se passer de la Russie. Fin 2022, les risques inédits de pénuries d’électricité et de gaz ont vivement secoué les instances politiques, qui se sont empressées de lancer leur pays sur les rails de la sobriété énergétique. L’Agence internationale de l’énergie (AIE), basée à Paris, a perçu un changement des politiques publiques liées à la consommation d’énergie “pas seulement à court terme mais pour les décennies à venir”. Reste encore à savoir comment celles-ci seront appliquées à l’avenir, à quels coûts et avec quelle efficacité.
Même si le moment semble favorable, le temps presse. Avant la COP27 en Egypte, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, s’est plaint d’engagements des États « pitoyablement pas à la hauteur », déplorant que le climat soit relégué au second plan dans un contexte si grave. L’effort social, politique et économique collectif est encore considérable pour sortir des énergies fossiles et atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050. S’attaquer à la transition énergétique suppose également des changements radicaux dans la manière de consommer, se déplacer, de produire mais ce possible bouleversement de nos modes de vie inquiète. Début mars, alors que la loi européenne sur la fin des véhicules thermiques en 2035 semblait acquise, l’Allemagne est revenue sur sa position en bloquant le texte. Entre anxiété, paralysie et incertitude, le consensus politique peine à émerger.
Se débarrasser des énergies fossiles, une question épineuse
Si les investissements dans les énergies propres vont augmenter de 50 % d’ici à 2030, ceux alloués au développement des énergies fossiles seront probablement aussi très élevés. Les entreprises des énergies fossiles continuent de trouver aisément des services financiers pour leur accorder des aides nécessaires à l’extraction et même au lancement de nouveaux projets ambitieux. Plus encore, selon une étude de l’OCDE, le soutien public aux énergies fossiles de 51 pays a quasiment doublé ces dernières années avec la hausse des prix de l’énergie, soulignant la dépendance accrue au charbon, pétrole et gaz naturel. A la fois, il y a l’impératif de basculer vers les énergies vertes pour diminuer les émissions de carbone mais les États sont préoccupés par leur degré d’indépendance énergétique. Le débat sur le désengagement des énergies fossiles se prolonge donc, nourri par les critiques des énergies renouvelables qui dénoncent des coûts élevés pour une efficacité incertaine. Le décalage entre les intentions vertes et la réalité est immense.