Lors du dernier Congrès du Parti Communiste chinois, Xi Jinping réaffirme l’objectif annoncé de faire de la République populaire de Chine la première puissance mondiale pour son centenaire, en 2049. Cette volonté de prendre sa revanche sur l’Histoire passe par plusieurs projets dont le plus pharaonique serait celui des nouvelles routes de la soie. En effet, ce projet, qui aurait déjà coûté plus de 1000 milliards de dollars, vise à faire de la Chine le centre du monde, renouant ainsi avec son passé glorieux, celui de l’Empire du Milieu. 

Ainsi, ce projet de développement de l’influence chinoise à travers le monde est primordial dans les objectifs de puissance du PCC. Or, des contestations émergent désormais autour des questions de souveraineté des pays traversés par ces routes commerciales. La Chine est alors accusée d’ingérence et de duperie envers ses « partenaires commerciaux ». La question de la législation autour de ces échanges commerciaux pourrait alors se poser aux vues du cadre international en vigueur.

Un projet construit en opposition aux valeurs occidentales…

Si le projet des nouvelles routes de la soie est acté en 2013 avec l’arrivée de Xi Jinping à la tête du Parti Communiste chinois, cette volonté de faire de la Chine un leader international n’est pas nouvelle. Dès 1955, le Ministre des Affaires étrangères de Mao, Zhou Enlai, affichait les ambitions mondiales chinoises au cours de la Conférence des Non-Alignés de Bandung. Au cours de cette conférence, la Chine se démarque des Occidentaux et acte ses premiers investissements étrangers (construction de chemins de fer en Zambie dès 1973). Par cette action, la Chine prend d’une certaine façon la tête de l’opposition au duopole américano-soviétique.

Au fil des années, la Chine accentue cette politique en parallèle de son développement. De cette façon, elle se démarque des Occidentaux par des partenariats sans contrepartie idéologique ou politique. Ces projets d’investissement se construisent ainsi en totale opposition avec l’idéologie occidentale de l’époque : le Discours de La Baule prononcé par François Mitterrand le 20 juin 1990 est un parfait exemple de cette dissension. Au cours de son discours, le président français invite les pays africains à lancer un processus démocratique sous peine de se voir privés du soutien financier occidental. Ainsi, la Chine acte son opposition aux partenariats globaux approfondis qui n’ont pas des dits moralistes occidentaux : l’Empire du Milieu se rapproche de facto des régimes ne portant pas les valeurs occidentales. De cette manière, la Chine se place comme une alternative crédible au géant américain en ce qui concerne les financements d’infrastructures.

Cette alternative prend également une tournure institutionnelle avec la création de grands groupes de coopération entre les pays du Sud. On peut notamment citer la création de l’organisation de coopération de Shanghai en 2001 ou encore les créations en 2014 de la nouvelle banque de développement et de la banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII). Le projet des nouvelles routes de la soie ancre de fait ces structures dans la mondialisation ce qui permet à Pékin de bénéficier d’une aura internationale supplémentaire. Or, cette aura internationale aux allures de philanthropisme masque en réalité des ambitions bien différentes.

…révélant en réalité une ambition cachée de la Chine

 » Les cent ans du Parti ne sont que le préambule d’une œuvre millénaire ». Cette déclaration du Ministre des Affaires étrangères chinois, Wang Yé, témoigne des ambitions chinoises sur la scène internationale. Les projets internationaux menés par Pékin seraient donc réalisés avec un objectif en tête : restaurer la puissance chinoise à l’international au travers du commerce et ainsi prendre sa revanche sur les ex-puissances coloniales responsables de l’humiliation chinoise. Malgré un désintérêt de façade, ce projet OBOR sert avant tout les intérêts de puissance chinois. Ce dernier apparaît comme l’outil clé de la croissance chinoise car il permet d’écouler les excédents commerciaux chinois.

Le manque de critère au financement chinois (le seul critère étant la non-reconnaissance de Taïwan par le pays souhaitant commercer avec la Chine) est également un moyen pour la Chine d’obtenir des soutiens au niveau international. Cela est notamment le cas dans les grandes instances internationales et en particulier au moment des votes en Assemblée générale à l’ONU.

Or, ces moyens de financement finissent par se révéler dangereux pour les pays signataires. En effet, le manque de conditions préalables aux prêts financiers est en réalité un moyen de cacher le véritable but du projet chinois : se créer une véritable chaîne logistique mondiale afin de sécuriser ses approvisionnements. Le Sri Lanka l’a appris à ses dépens en 2016 : en effet, après avoir vu la Chine financer le port de Hambantota à hauteur de 85%, le pays n’a pas pu faire face aux dettes et a été contraint de céder son infrastructure portuaire au pouvoir chinois pour 99 ans. Cela témoigne de l’interconnexion entre projet économique et projet militaire : ces infrastructures peuvent également permettre l’accueil de bâtiments militaires chinois partout dans le monde. Après une première période d’engouement autour du projet, est venu le temps de la déception du fait des révélations autour des ambitions chinoises. Si la Chine souhaite voir perdurer son projet, elle doit alors devenir une puissance responsable (Pascal Lamy).

Comment la Chine doit devenir une puissance responsable ?

Après les déboires de certains projets, il est important pour la réalisation du projet que la Chine mette fin à l’opacité autour des contrats et qu’elle se mette d’équerre avec les recommandations en matière de financement des institutions internationales. Dans ce cas, l’objectif pourrait être de garder la confiance des pays signataires et de les prévenir des situations de surendettement : l’image de la Chine comme bienfaitrice du « Tiers-Monde » de Bandung en ressortirait grandie.

D’autres propositions ont pu émerger dans le camp européen. En effet, des acteurs comme les Etats français ou allemand ont fait part de leur volonté d’implication au sein du projet. Dans ce cadre, le président Macron, souhaitant rompre avec l’unilatéralisme du projet, évoquait une relation gagnant-gagnant avec la Chine dans un cadre économique. Cela pourrait notamment passer par une implication des firmes européennes au sein du projet : la main d’œuvre travaillant sur le projet ne serait alors plus uniquement chinoise (cf. le cas de la Serbie) mais également plus locale. En outre, les pays européens souhaiteraient que le cadre légal du projet se construise sur la base d’un réel partenariat législatif avec la Chine.

Conclusion

In fine, la Chine doit, à l’heure où le conflit commercial avec les Etats-Unis fait rage, préserver une certaine image auprès de ses partenaires du Sud. L’objectif est ainsi de conserver une zone d’influence dans des régions aux ressources stratégiques pour la Chine. La Chine doit donc devenir responsable, légiférer dans un cadre international et mettre en place de véritables accords gagnant-gagnant si elle souhaite réaliser son ambition de devenir première puissance mondiale d’ici à 2049. A cette volonté de ne pas froisser des partenaires clés se confronte donc la volonté de puissance chinoise. La Chine arrivera-t-elle à trouver un équilibre entre prédation et partenariat ? Ses ambitions de puissance en dépendent.

// ENGLISH //

The need to legislate on the new Silks Roads Chinese project

During last congress of the Chinese Communist Party, Wi Jinping reaffirmed the stated objective of making People’s Republic of China the world first power for its centenary, in 2049. This will of taking revenge on History goes through various projects which most colossal one would be to build new Silks Roads. In fact, this project would have already cost over $1000 billion and aims to make China the center of the world, reconnecting it with the middle Kingdom’s glorious past.

Thus, this development project of Chinese influence across the world is key in CPP’s strategic objectives. However, protests are emerging about the sovereignty of countries crossed by trade routes. China is accused of interference and deception regarding its “business partners”. Trade legislation issue could be arise concerning the international framework in force.

A project that has been built opposition Western values…

If the new Silks Roads project already was officially recorded in 2013 with Xi Jinping arrival at the head of the Chinese Communist Party, this will of making China an international leader is not new. Since 1990, Mao foreign minister, Zhou Enlai, has claimed Chinese global ambitions at the Non-Aligned conference of Bandung. During this conference, China stood out from Westerners and operated its first foreign investments (railways construction in Zambia from 1973). Through this action, China took in a way the lead of the opposition to the US-Soviet duopoly.

In parallel with its development, China is intensifying its politic over the years. This way, it stands out from Westerners thanks to its partnerships with no ideological or political strings. These investment projects are developing in total opposition with the Western ideology of that time: the La Baule speech delivered by François Mitterrand on the 20th of June 1990 being the perfect example of this dissension. During his speech, the French president had invited African countries to launch a democratic process under the penalty of being deprived of the Western financial support. Thus, China operated its opposition to in-depth global partnerships of the so-called Western moralists: de facto, the Middle Kingdom gets closer to regimes devoid of Western values. This way, China stands as a credible alternative to the American giant regarding infrastructure financing. 

This alternative also takes an institutional turn with the creation of large groups of cooperation between Southern countries. We can refer to the 2001 creation of the Shanghai Cooperation Organization or to 2014 creations of the development bank and the Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB). From fact, the new Silks Roads project embed those structures in globalization, what enable Pekin to benefit from an additional international aura. Nevertheless, this international reputation with elements of philanthropism hides ambitions quite different. 

… which reveals a hidden ambition from China

« The

hundredth anniversary of the Party only is the preamble of a millenary work”. This declaration of the Chinese Foreign Minister, Wang Yé, reflects China’s ambitions on the international stage. Global projects that have been led by Pekin would be realized with one goal in mind: to globally restore China’s power through trade and to take revenge on former colonial powers responsible for China’s humiliation. Despite a lack of interest in appearance, OBOR project serves China power’s interests first. This seems to be a key tool for Chinese growth since it can deal with its trade surpluses. 

The lack of content about Chinese financing (the only criteria is the non-recognition of Taiwan by the country wishing to trade with China) is also a way for China to obtain international supports. This is the case for major international bodies and more especially for voting time in the UN’s General Assembly.  

However, the lack of funding finally appears to be dangerous for signatory countries. In fact, there are not enough preconditions for financial loans. This is a means to hide the true purpose of the Chinese project: to develop a real global supply chain to secure its supply. In 2016, Sri Lanka had learnt it the hard way: after China financed for 85% Hambantota harbor, the country could not afford the debts and had been forced to cede for 99 years its harbor infrastructure to the Chinese government. This event reflects the interconnexion between the economic project and the military project: those infrastructures can hold the establishment of Chinese military buildings all over the world. After a first period of enthusiasm for the project has come the time of disappointment due to the revelations of China’s ambitions. If China wishes to see its project continue, it will have to become a responsible power (Pascal Lamy).

How can China become a responsible power ?

After project setbacks, it is important for the project realization that China ends with contracts opacity and respects recommendations regarding the international institutions funding. In this case, the objective could be to maintain the confidence with signatory countries and to prevent them about situations of debt distress: China’s benefactor image would come out better. 

Other suggestions emerged in the European side. Actors such as the French or German states announced their will of being part of the project. In this context, President Macron, wishing to deal with the project’s unilateralism, mentioned an economic win-win relationship with China. It could be done through the implication of European firms in the project: the project’s workforce would no longer be Chinese exclusively (cf. The case of Serbia) but also would be more local. European countries would like the legal framework to be built on a real legislative partner basis with China. 

Conclusion

In fine, at a time when a trade conflict is raging with the United States, China must preserve a good image for its Southern partners. The objective is to retain influence in regions in possession of strategic resources for China. China must become responsible again, legislate in an international framework and establish win-win proper agreements if it wants to achieve its ambition to become the world first leader from here to 2049. The desire not to offend key partners is confronted with China’s power will. Will China succeed in finding a balance between predation and partnership? Its power ambitions depend on it.

Lucas Villard
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