Aujourd’hui visitée quotidiennement par 15 000 visiteurs, soit deux fois plus qu’en 2016, la baie d’Halong (Vịnh Hạ Long) souffre de ces masses touristiques qui viennent visiter l’un des plus beaux paysages du Vietnam. Les eaux limpides du fleuron touristique vietnamien sont devenues une décharge publique où les bateaux de croisière déversent des tonnes de déchets plastiques. Cet exemple parlant illustre la problématique à laquelle nous faisons face de nos jours.

La hausse significative du tourisme des classes moyennes a été la conséquence de la création des congés payés ainsi que de la croissance du pouvoir d’achat au cours du XXème siècle dans les pays industrialisés. Au fil des années, il a pu être observé une quantité de touristes très importante dans certains lieux populaires et prisés, entraînant le plus souvent une dégradation locale du territoire et de la culture, ainsi que beaucoup de pollution. Dans les années 2010 sont apparus plusieurs termes montrant les différentes problématiques liées au tourisme. Tout d’abord, le terme de surtourisme, ou tourisme de masse, qui est défini comme une « croissance excessive du nombre de visiteurs qui conduit à une saturation de certains espaces où les pics touristiques temporaires ou saisonniers ont une incidence négative permanente sur le mode de vie, le confort et le bien-être des riverains » (Claudio Milano, Marina Novelli & Joseph M. Cheer, Overtourism: a growing global problem, 2018). Il est également possible de mentionner le terme de « disneylandisation », forgé par Sylvie Brunel en 2012, qui souligne la transformation des sociétés et des cultures locales, par la présence de touristes, et pour répondre à leurs attentes. Pour lutter contre ces effets néfastes du tourisme, une forme opposée a alors émergé, connue sous le nom de tourisme durable.

Qu’est-ce que le tourisme durable?

Aujourd’hui, le tourisme est responsable de 8 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, produisant localement plusieurs externalités négatives notamment en matière de consommation d’eau ou de gestion des déchets. En plus de l’urbanisation, l’artificialisation des sols, des prélèvements sur la faune et la flore, certains condamnent la dépossession et l’appauvrissement comme conséquences directes de l’afflux massif de touristes.

Le tourisme durable s’est construit en opposition au surtourisme. Il est défini par l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) comme un tourisme « qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil ». Modelé dans le contexte du développement durable, il a pour objectif de mettre en valeur les ressources patrimoniales (naturelles, culturelles, sociales) d’un territoire, en les respectant, voire même en les préservant. La finalité est de minimiser les effets négatifs que les touristes provoquent fatalement sur les espaces naturels comme sur les communautés locales.

Cependant, le tourisme durable est pluriel. En effet, selon l’aspect (environnemental, économique, social) qui est le plus favorisé lors du voyage, le nom et les pratiques changent.  Nous pouvons donc observer l’écotourisme, le tourisme solidaire, le tourisme social, le slow tourisme etc… Le schéma ci-dessous résume les différentes formes de tourisme durable existantes :

Schéma résumant les différentes formes du tourisme durable

Le tourisme durable, un succès contrasté

Qu’il soit solidaire, équitable ou écologique, le tourisme durable connaît un franc succès à tous les échelons, devenant un avantage comparatif incontestable. La limitation des déplacements pendant la pandémie et les inquiétudes liées aux effets environnementaux ont suscité de nouvelles aspirations de la part des touristes, placées sous le signe de l’authenticité et de la proximité. Pour tenter d’accompagner cette dynamique, des démarches collectives et volontaires voient le jour, encouragées aussi bien par les collectivités que les organisations internationales comme l’UNESCO. L’agence Endallah est l’une d’entre elles. En activité en Tanzanie et au Kenya, elle propose des safaris sur-mesure au plus près de l’habitant et de sa culture, le tout hors des circuits touristiques traditionnels surfréquentés. Une expérience unique qu’il convient toutefois d’organiser minutieusement pour assurer la redistribution des bénéfices auprès de la population locale, le transport doux des touristes, leur accueil, leur consommation qui se doit d’être responsable. Ce long cahier des charges à respecter et la volonté de préserver l’environnement contraignent aussi plusieurs régions touristiques victimes de la surfréquentation à réduire le nombre de visiteurs. La transition vers un tourisme durable peut ainsi être appréhendée par certains professionnels du secteur qui craignent de devoir faire des concessions ou de perdre une partie de leurs revenus. Les États et les instances internationales jouent alors un rôle déterminant pour orchestrer cette transition et accompagner les acteurs concernés. A l’avenir, la question de la viabilité économique semble largement conditionner le succès ou non du tourisme durable.

Quel avenir pour le tourisme durable ?

Le tourisme durable est à première vue la voie idéale pour concilier croissance économique et préservation de l’environnement et des équilibres sociaux, mais son application n’en reste pas moins un sujet épineux. Certes, des initiatives en faveur d’un tourisme responsable ont émergé et les cris d’alerte sur les nuisances du tourisme de masse se sont multipliés, mais les acteurs publics et privés donnent la sensation d’être peu inspirés sur la démarche à adopter. Si la communication sur le sujet est omniprésente, les mises en pratique sont, elles, marginales. De fait, du secteur des transports à l’hôtellerie en passant par la restauration et les activités culturelles, le tourisme englobe de nombreuses branches qui devraient être repensées pour opérer une transition verte. Une tâche d’autant plus délicate à accomplir lorsque l’on sait que le tourisme constitue pour 40% des Etats la première source de devises et cela tout en générant de précieux emplois. On comprend aussi aisément pourquoi les gouvernements se sont démenés pour sauver l’industrie touristique minée par la crise du Covid 19 et pour allouer des aides financières. Par crainte de la décroissance d’un secteur vital s’il venait à changer de modèle, la coordination des instances politiques en faveur du développement du tourisme durable demeure encore insuffisante.

     Mais la prise de conscience collective des consommateurs vis-à-vis des méfaits du tourisme de masse et de la nécessité de progresser vers un modèle responsable laisse présager des changements à l’avenir. Disposant des outils d’Internet et de logiciels de plus en plus spécialisés, les touristes sont en mesure de comparer les prestataires entre eux afin d’élire le plus exemplaire dans sa démarche durable. Une attente supplémentaire bien comprise par certaines compagnies de croisières qui ont immédiatement entamé des efforts dans le recyclage des déchets ou la consommation d’eau des bateaux pour attirer une clientèle particulièrement attentive et exigeante. Le mouvement peut être lent, les coûts élevés, la transition douloureuse mais la sensibilité croissante des touristes pour un modèle durable pourrait bien convertir les recommandations politiques en de réelles actions.

// ENGLISH //

Promoting the development of sustainable tourism

Today, the bay of Halong (Vůnh Hạ Long) is visited daily by 15,000 visitors, twice as many as in 2016. Vůnh Hạ Longsuffers from these tourist masses who come to visit one of the most beautiful landscapes of Vietnam. The clear waters of Vietnam’s tourism flagship have become a public dump where cruise ships dump tons of plastic waste. This relevant example illustrates the problem we are facing today.

The significant increase in middle-class tourism  had been the result of the creation of paid holidays and the growth of purchasing power during the 20th century in industrialized countries. Over the years, it has been possible to note a very large number of tourists in some popular and frequented places. Often, this has resulted in local degradation of the territory and of the culture, and in a lot of pollution. In the 2010’s several terms showing the different issues related to tourism have appeared. First, the term overtourism, also known as mass tourism, which is defined as an “excessive growth of the number of visitors that leads to saturation of some areas where temporary or seasonal tourist peaks have a permanent negative impact on the lifestyle, comfort and well-being of local residents” (Claudio Milano, Marina Novelli & Joseph M. Cheer, Overtourism: a growing global problem, 2018). It is also possible to mention the term “disneylandisation”, built by Sylvie Brunel in 2012, which underscores the transformation of local societies and cultures, through the presence of tourists, the aim being to meet their expectations. In order to fight these negative effects of tourism, an opposite form of this activity has emerged, known as sustainable tourism.

What is sustainable tourism ?

Today, tourism is responsible for 8% of the world’s greenhouse gas emissions, producing locally several negative externalities, particularly in terms of water consumption or waste management. In addition to urbanization, the artificialization of soils and the removal of flora and fauna, some people condemn dispossession and impoverishment as being direct consequences of the massive influx of tourists.

Sustainable tourism has been built in opposition to overtourism. It is defined by the World Tourism Organization (UNWTO) as tourism “that takes full account of its current and future economic, social and environmental impacts by meeting the needs of visitors, professionals, the environment and host communities.” Modelled in the context of sustainable development, it aims to develop the heritage resources (natural, cultural, social) of a territory, respecting them and even preserving them. The goal is, at term, to minimize the negative effects that tourists inevitably have on natural areas and local communities.

However, sustainable tourism is plural. In fact, depending on the most favoured aspect (environmental, economic, social) during the trip, name and practices evolve. We can therefore observe ecotourism, solidarity tourism, social tourism, slow tourism, etc. The diagram below summarizes the different forms of existing sustainable tourism:

Sustainable tourism a controversial success

Whether it is solidarity, fair or ecological, sustainable tourism is a real success at all levels, becoming an indisputable comparative advantage. Travel restrictions during the pandemic and concerns about environmental impacts have provoked new aspirations from tourists for authenticity and proximity. To try to support this dynamic, collective, and voluntary approaches are emerging, encouraged both by local authorities and international organizations such as UNESCO. Endallah is one of them. Operating in Tanzania and Kenya, it offers customized safaris as close as possible to the inhabitant and his culture, all outside of the traditional overvisited tourist circuits. A unique experience that must be carefully organized to ensure the sustainability of the redistribution of benefits to the local population, the gentle transport of tourists, their welcome, and their consumption. This long set of specifications to meet and the desire to preserve the environment also force several tourist regions victims of over-frequentation to reduce the number of visitors. The transition to sustainable tourism can thus be apprehended by some professionals of the sector who fear having to make concessions or to lose part of their income. States and international bodies play a decisive role in orchestrating this transition and supporting the actors concerned. In the future, the question of economic viability seems to largely condition the success or failure of sustainable tourism.

What is the future for sustainable tourism?

Sustainable

tourism is at first sight the ideal way to reconcile economic growth with the preservation of the environment and social equilibrium, but its application remains a thorny subject. It is true that initiatives to promote responsible tourism have emerged and that calls for warning about the nuisances of mass tourism have multiplied.However, public and private actors give the impression that they are not inspired by the approach that should be adopted. If the communication on the subject is omnipresent, the practices are marginal. In fact, from the transport sector to hotels, restaurants and cultural activities, tourism gathers many sectors that should be rethought to make a green transition. This task is even more difficult when we know that tourism is the main source of foreign exchange for 40% of the States, while generating valuable jobs. It is also easy to understand why governments have worked hard to save the tourism industry affected by the Covid-19 crisis and to allocate financial assistance. For fear of the decline of a vital sector if it were to change its model, the coordination of political bodies in favor of the development of sustainable tourism is still lacunary.

But the collective awareness of consumers about the harms of mass tourism and the need to move towards a responsible model foreshadows changes in the future. With the tools of the Internet and increasingly specialized software, tourists can compare providers in order to elect the most exemplary in the sustainable approach adopted. This is an additional expectation well understood by some cruise firms who immediately began efforts in recycling waste or water consumption of ships to attract a particularly attentive and demanding clientele. The movement might be slow, costs might be high, and the transition might be painful but, the increasing sensitivity of tourists to a sustainable model could well convert political recommendations into real actions.

Pauline Papazian
Plus de publications
Paul Liébard
Plus de publications
Yassine Mourjane (traduction)
Plus de publications