Longtemps jugé invendable en dépit de ses prestations de haut vol, l’avion militaire français Rafale trouve enfin une clientèle étrangère. S’il s’exporte maintenant depuis plus de 7 ans, l’année 2021 vient enfin matérialiser des années de négociation intenses, dans lesquelles le gouvernement est finalement parvenu à tirer profit des nombreuses caractéristiques techniques de l’appareil pour trouver de nouveaux partenaires.  

Résultat : une année historique pour Dassault aviation qui conclut des accords avec la Croatie, la Grèce, l’Egypte mais surtout avec les Emirats-Arabe-Unis et une commande record de 80 appareils. 2022 semble également partir sur de bonnes bases, avec la vente de 42 avions à l’Indonésie début février. 

Au-delà du chiffre d’affaires astronomique et des emplois pérennes créés, ces contrats permettent à la France de s’affirmer et de développer son leadership mondial. L’échiquier géopolitique du XXIème siècle n’est pas le plus instable que l’histoire ait connue, mais l’affirmation de puissances aux intérêts belliqueux incite à continuer la course à l’armement. S’armer sert à s’affirmer diplomatiquement, à se préparer au pire et à tempérer de potentielles envies d’agressions. 

Pour la France, la vente de matériels militaires est un double enjeu. Il permet de se positionner clairement comme un leader de la défense européenne, mais également de dépasser ce statut pour défendre celui de puissance mondiale.

L’achat de 18 modèles Rafale par la Grèce en janvier 2021 permet ainsi au gouvernement de matérialiser ses passes d’armes diplomatiques avec la Turquie d’Erdogan, dans un contexte de tensions à propos de la ZEE grecque, dont la souveraineté est régulièrement violée par l’état Turc. Pour répondre à l’urgence de la situation, la France a vendu pour la première fois des modèles d’occasion, prélevés sur sa propre flotte. 

Unique puissance nucléaire européenne, l’Etat français souhaite également consolider sa position de leader et amener les armées des états de l’UE à une plus grande coopération, pour prévenir de potentiels crises où l’OTAN ne saurait être assez réactif. Son objectif est ainsi de développer ses ventes d’armes sur le continent. C’est dans ce cadre que la Croatie a également passé une commande de 12 avions Rafale d’occasions, mettant fin à une coopération exclusive du pays avec les Etats-Unis.

La France résiste-t-elle à l’hégémonie américaine ?

Du côté américain, l’objectif est clair: maintenir son hégémonie économique et industrielle dans le domaine des armements et en particulier au sein de l’Europe. La France est par conséquent le pays visé en priorité car il est à la pointe de la technologie, en ce qui concerne l’industrie aéronautique notamment. Pourtant, l’approvisionnement d’armements américains dépasse les frontières de l’Europe et s’étend jusqu’au Pacifique. En effet, il est difficile de nier que le pays vendeur d’armes dispose avant tout, de moyens de pression quant à leur maintenance et leur utilisation. Cela est d’autant plus utile dans un contexte de tensions extrêmes avec la Russie au sujet de la crise ukrainienne. 

Comment alors expliquer l’augmentation des ventes de rafale française ?

Ne l’oublions jamais, la préférence européenne est un atout considérable pour les exportations françaises. La majorité des importations françaises de matériels de guerre et produits liés provient de l’Union européenne : 56,2 %, soit un 1,5 milliard d’euros.

En revanche, le Proche et Moyen-Orient concentrent 42,4 % des exportations françaises (4,8 milliards d’euros, en 2020.) Le rafale de Dassault aviation n’y est pas pour rien. D’ailleurs, rien d’étonnant que la dernière visite aux Émirats Arabes Unis (EAD) d’Emmanuel Macron n’ait pas été que symbolique. Elle confirmait, outre la présence de trois bases militaires françaises sur le territoire émirien, cette confiance mutuelle, entre la France et les Émirats, qui s’est finalement traduite par l’acquisition de 80 avions Rafale, 12 hélicoptères Caracal et d’éléments associés. Le montant de cet accord s’élève à 16 milliards d’euros, contrat donc historique qui ne fait que confirmer l’attrait majeur des pays étrangers pour le Rafale, bijoux français de l’aviation.

Totalement polyvalent, le Rafale semble pouvoir assumer toutes les missions dévolues à l’aviation de combat : supériorité et défense aériennes, appui au sol, frappe dans la profondeur, reconnaissance, frappe anti-navire, dissuasion nucléaire. Dès lors, il est incontestable que le rafale qui est presque depuis 20 ans en service dans la Marine nationale en 2004 et depuis plus de 15 ans dans l’armée de l’Air est devenu l’engin aéronautique de référence international par excellence. Il a fait ses preuves au combat en Afghanistan, en Libye, au Mali, en Irak et en Syrie, totalisant plus de 30 000 heures de vol en opération, c’est précisément pourquoi l’Etat français semble l’avoir compris: le rafale de Dassault Aviation est un atout tant économique que géopolitique, tant au service de l’industrie lourde que au service de nos stratégies géopolitiques internationales.

Le rafale, un moyen d’affirmer sa puissance dans la zone Asie-Pacifique

Difficile de ne pas se remémorer l’alliance tripartite entre les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni qui venait briser le contrat de sous-marins avec Canberra. Nul doute qu’il faille souligner une nouvelle fois à quel point le succès de Dassault Aviation pourrait venir au secours de la France, notamment dans cette zone si stratégique. 

Avec la signature d’un contrat pour 6 Rafales dans une commande totale prévue de 42 avions de combat, la France souhaite donc avant tout affirmer de nouveau sa puissance dans le Pacifique. Avec cette vente, négociée dans la plus grande discrétion depuis l’été, l’Indonésie devient le deuxième client de la France en Asie du Sud-Est derrière Singapour. Emmanuel Macron n’hésitait d’ailleurs pas à déclarer « l’Indonésie a fait le choix de l’excellence industrielle française ».

Pourtant, cela est tout sauf un contrat purement économique. En effet, cela donne une nouvelle impulsion à la stratégie française en Indo-Pacifique. Inutile de paniquer, les Etats-Unis ont donné leur accord. L’acquisition de l’avion de chasse français par Djakarta «  améliorera la sécurité d’un important partenaire régional qui est une force de stabilité politique et de progrès économique dans la région indo-pacifique » précisait le Pentagone.

A l’heure où les soldats français au service de l’Otan s’entraînent jour et nuit en Estonie à la frontière russe et se tiennent prêts à intervenir à tout moment en Ukraine pour faire face à la monumentale armée russe ; à l’heure où la Chine assoit son hégémonie dans l’océan Pacifique, une chose est sure: la rafale de Dassault Aviation continue de faire rayonner non seulement le savoir-faire français, si cher au mercantiliste Colbert, mais également de maintenir la France au sommet des négociations internationales.

The rafale, the French finesse serving the heavy industry. 

Long considered unsellable despite its high performance, the French Rafale military aircraft has finally found a foreign customer base. Although it has now been exported for more than 7 years, 2021 is at last the culmination of years of tough negotiations, in which the government has finally managed to take advantage of the aircraft’s many technical features to find new partners.  

The result: a historic year for Dassault Aviation, which has signed agreements with Croatia, Greece, Egypt and, above all, the United Arab Emirates with a record order of 80 aircraft. The year 2022 also seems to be off to a good start, with the sale of 42 aircraft to Indonesia in early February.

In addition to the astronomical sales figures and the permanent jobs created, these contracts allow France to assert itself and develop its world leadership.The geopolitical chessboard of the 21st century is not the most unstable one history has ever known, but the assertion of powers with warlike interests encourages the continuation of the arms race. Arming oneself serves to assert oneself diplomatically, to prepare for the worst and to temper potential aspirations for aggression.

For France, the sale of military equipment is a double challenge. It allows France to clearly position itself as a leader in European defense, but also to go beyond this status to defend its position as a world power.

The purchase of 18 Rafale models by Greece in January 2021 thus allows the government to materialize its diplomatic arm wrestling with Erdogan’s Turkey, in a context of tensions over the Greek EEZ, whose sovereignty is regularly violated by the Turkish state. To respond to the emergency of the situation, France has sold for the first time second-hand models, taken from its own fleet.

As the only European nuclear power, the French government also wishes to consolidate its position as leader and to bring the armies of the EU states to a closer cooperation in order to prevent potential crises where NATO might not be reactive enough. Its objective is thus to develop its arms sales on the continent. It is in this context that Croatia has also placed an order for 12 second-hand Rafale aircrafts, putting an end to the country’s exclusive cooperation with the United States.

Is France resisting American hegemony?

On the American side, the objective is clear: maintain its economic and industrial hegemony in the field of armaments, and particularly within Europe. France is therefore the country targeted first, as it is at the cutting edge of technology, particularly in the aeronautics industry. However, the supply of American arms goes beyond the borders of Europe and extends as far as the Pacific. Indeed, it is difficult to deny that the country which sells arms has, above all, the means to exert pressure on their maintenance and use. This is all the more useful in a context of extreme tensions with Russia over the Ukrainian crisis.

How then can we explain the increase in French Rafale sales?

Let’s never forget that European preference is a considerable asset for French exports. The majority of French imports of war materiel and related products come from the European Union: 56.2 percent, i. e. 1.5 billion euros.

On the other hand, the Near and Middle East account for 42.4 percent of French exports (4.8 billion euros, in 2020). Moreover, it is not surprising that Emmanuel Macron’s last visit to the United Arab Emirates (UAE) was not just symbolic. It confirmed, in addition to the presence of three French military bases on UAE territory, this mutual trust between France and the Emirates, which has finally resulted in the acquisition of 80 Rafale aircraft, 12 Caracal helicopters and associated elements. This agreement is worth 16 billion euros, a historic contract that only confirms the major attraction of foreign countries for the Rafale, the French aviation jewel. Totally versatile, the Rafale seems to be able to take on all the missions assigned to combat aircraft: air superiority and defense, ground support, deep strikes, reconnaissance, anti-ship strikes and nuclear deterrence. It is therefore undeniable that the Rafale, which has been in service with the French Navy for almost 20 years and with the French Air Force for more than 15 years, has become the international reference aircraft par excellence. It has proven itself in combat in Afghanistan, Libya, Mali, Iraq and Syria, logging more than 30,000 flight hours in operations. This is precisely why the French government seems to have understood that the Dassault Aviation Rafale is both an economic and geopolitical asset, both for heavy industry and for our international geopolitical strategies.

The Rafale, a tool to assert its power in the Asia-Pacific region

It is difficult not to recall the tripartite alliance between the United States, Australia and the United Kingdom which broke the submarine contract with Camberra. There is no doubt that we must emphasize once again how much Dassault Aviation’s success could come to France’s rescue, especially in this very strategic zone.

With the signing of a contract for 6 Rafales out of a planned total order of 42 fighter jets, France is primarily interested in reasserting its power in the Pacific. With this sale, negotiated with the utmost discretion since the summer, Indonesia becomes France’s second biggest customer in Southeast Asia behind Singapore. Emmanuel Macron did not hesitate to declare « Indonesia has chosen French industrial excellence ».

However, this is anything but a purely economic contract. Indeed, it gives a new impetus to the French strategy in the Indo-Pacific. There’s no need to panic, the United States has given its approval. Jakarta’s acquisition of the French fighter jet « will improve the security of an important regional partner that is a force for political stability and economic progress in the Indo-Pacific region » according to the Pentagon.

At a time when French soldiers serving NATO are training day and night in Estonia on the Russian border and are ready to intervene at any moment in Ukraine to face the monumental Russian army; at a time when China is establishing its hegemony in the Pacific Ocean, one thing is certain: the Dassault Aviation Rafale continues to promote not only French expertise, so dear to the mercantilist Colbert, but also to keep France at the top of international negotiations.

Amaury Bouas
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Eugénie Chatelais
Rédactrice en chef Tribune 2021-2022 | Plus de publications

Passionnée de géopolitique avec une appétence particulière pour les thématiques russes et asiatiques.