L’essor de Dubaï ou comment attirer les influenceurs du monde entier

Patchwork de sept émirats, les Emirats Arabes Unis sont fondés en 1971 et bâtissent rapidement leur réussite économique sur la manne pétrolière. Toutefois, la chute du prix du baril depuis 2014 pèse sur l’économie et la petite monarchie doit rapidement trouver d’autres sources de revenu et se diversifier.

« Ladies and gentlemen, Dubai wins » s’est exprimé un officiel du Bureau International des Expositions lors de la sélection de la ville d’accueil de la World Expo 2020. Pour contextualiser, cela fait déjà une petite dizaine d’années que Dubaï et plus globalement les Emirats Arabes Unis n’ont de cesse de gagner, ce petit pays du golfe a rapidement compris que le soft power pouvait aussi être un moyen certain pour se faire une place sur l’échiquier mondial. Summum de l’expression de ce nouveau pouvoir, on retiendra l’inauguration de l’antenne du Louvre à Abu Dhabi par Emmanuel Macron en personne. Ce projet de longue haleine permet au Emirats Arabes Unis d’accroître sa modernité et son rayonnement mondial. Le soutien de la France n’y est pas pour rien car avec 8,4 % des IDE (2017), nous sommes les troisièmes plus gros investisseurs à miser sur la réussite de l’émirat dubaïote.

Témoin de la réussite de cette stratégie de soft power : le nombre de touristes colossal en comparaison avec la population dubaïote. On parle de 19 millions de touristes rien qu’en 2019 et alors que plus de 90 % de la population de l’émirat est étrangère. « Si les influenceurs paient leur propre billet d’avion pour aller là-bas, on a un témoignage tout à fait significatif du “ soft power ” de Dubaï », constate le politologue Alexandre Kazerouni.

Nouveau paradis des riches, Dubaï réserve son lot de joies luxueuses mais s’affiche aussi comme ville de tous les excès : entre mythe et réalité, que viennent y chercher nos influenceurs préférés ?

Que viennent-ils y trouver ?

Tout cela commence souvent par de simples vacances, de multiples posts instagram : désert, luxueux hôtels et autre visite du Burj Kalifa, nos influenceurs influenceurs finissent rapidement par évoquer leur volonté de faire de Dubaï leur nouveau lieu de résidence à plein temps. Comment justifient-ils ce nouveau choix de vie si loin de nos standards occidentaux ? Ils mettent plusieurs points en avant dont notamment une certaine tranquillité retrouvée, loin des tumultes de la vie médiatique française. Jessica Thivenin, Nabila ou encore Caroline Receveur espèrent y élever leurs enfants dans un lieu idyllique où le soleil règne toute l’année et où le système éducatif est plutôt réputé.

Derrière ce luxueux tableau bien dressé se cache surtout l’appât du gain, en effet, la fiscalité dubaïote est très intéressante. Nos influenceurs préférés ne sont soumis à aucune taxe ni sur leurs revenus ni sur leurs diverses sociétés. Cette pratique est de plus en plus dénoncée car il est paradoxal que ces personnes réalisent la majeure partie de leur chiffre d’affaires en France mais n’y payent pas le moindre impôt… Ils semblent avoir trouvé la faille (comme beaucoup d’autres) de notre système de solidarité nationale et malgré les cris de lanceurs d’alerte rien n’y fait.

Les travers et l’envers de ce paradis : ce qu’ils ne disent pas

Derrière tout ce luxe et ces paillettes se cache une triste réalité : droits politiques bafoués, libertés sociales restreintes ou encore manque de liberté d’expression sont le prix à payer. Le pouvoir reste aux mains d’une poignée de puissantes et richissimes familles dubaïotes qui imposent leur vision des choses. Pour exemple le cas de la princesse Latifa, fille du souverain de Dubaï, inquiète le Haut-commissariat aux droits de l’homme car celle-ci dit être retenue contre son gré. En effet, la jeune femme avait tenté en 2018 de fuir les Emirats, affirmant qu’elle n’y était pas traité correctement mais sa cavale n’avait duré que quelques jours. Les médias internationaux appellent depuis à la fin de la « détention » de la princesse dont nous n’avons plus de nouvelles depuis lors.

Outre la concentration du pouvoir aux mains de cette petite élite politique, on ne compte plus les scandales concernant les droits de l’homme. Mises en exergue par le mondial de football à venir, les déplorables conditions de travail imposées aux étrangers sont pointées du doigt par des ONG telles que Human Rights Watch.

Peut-on alors dire que les influenceurs sont des outils servant l’élite politique et sociale de l’émirat ? Il est très clair qu’ils en font la promotion en nous vendant monts et merveilles. Et vous, que feriez-vous si vous étiez une star d’Instagram ?

Eugénie Chatelais
Rédactrice en chef Tribune 2021-2022 | Plus de publications

Passionnée de géopolitique avec une appétence particulière pour les thématiques russes et asiatiques.