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Le Golfe de Guinée est devenu la première zone de piraterie mondiale, et concentre chaque année la quasi-totalité des attaques, soit 95% de celles-ci en 2020. Les 20 000 navires qui s’y croisent chaque année risquent des attaques de plus en plus nombreuses et sophistiquées, ce qui nourrit des inquiétudes du côté du secteur maritime. Quant au mode opératoire, il reste très souvent le même : les pirates prennent en otage les agents sur le navire et demandent une rançon sous 4 à 8 semaines. 

Des solutions de protection limitées 

Les navires ont la possibilité de mettre en place une protection renforcée à bord, avec des espaces où les équipages peuvent se réfugier en cas d’attaque et communiquer avec l’extérieur. Les compagnies misent en parallèle sur les technologies qui permettent de détecter la présence de pirates sur le trajet pour les contourner.  

La marine nigériane a également développé une importante industrie de protection pour escorter les navires en échange d’une compensation financière. Cette solution peut toutefois être à double tranchant, puisque les autorités ont alors moins intérêt à mettre en place de véritables politiques contre la piraterie. 

Une mobilisation du secteur maritime 

En mai dernier, le Conseil Maritime baltique et international (BIMCO) a lancé la Déclaration du golfe de Guinée sur la répression de la piraterie, qui appelle à agir contre ce fléau. Dans les quelques jours qui ont suivi la publication de la déclaration, le texte a réuni 120 signatures. Aujourd’hui ce sont plus de 350 organismes, associations et entreprises qui l’ont signé. Parmi les signataires on retrouve les plus grands armateurs du monde, les principales associations maritimes ou encore le Forum économique mondial. La déclaration encourage des opérations actives de lutte contre le phénomène, avec pour ambition de réduire le nombre d’attaques de 80% d’ici 2023.  

Jakob P. Larsen, responsable de la sécurité et de la sûreté maritimes du BIMCO, a expliqué que la déclaration pourrait surtout servir d’aide aux politiciens des pays du monde entier pour les aider à allouer efficacement les ressources. « L’objectif est de donner aux acteurs politiques un levier dans leurs discussions au niveau national, lorsqu’ils discutent de l’allocation des ressources, vers tel projet ou telle tâche. Nous espérons qu’ils pourront se référer à cette déclaration et plaider pour le déploiement de moyens militaires dans le Golfe de Guinée afin de mener une opération active de maintien de l’ordre, tout comme nous l’avons vu en Somalie il y a dix ans. » 

Le projet Deep Blue : une action gouvernementale contre la piraterie 

Le Nigeria, qui a depuis toujours pris les devants dans cette lutte, est récemment passé à l’offensive . Le président nigérian, Muhammadu Buhari, a ainsi renforcé les capacités de sa marine nationale avec le lancement du programme Deep Blue en juin dernier. 

Le programme est contrôlé par l’Agence nigériane d’administration et de sécurité maritimes et vise à fournir les moyens nécessaires au repérage et à la répression de la piraterie dans le Golfe. Le programme est considéré comme la première stratégie intégrée de sécurité maritime en Afrique occidentale et centrale visant à lutter contre les menaces permanentes de piraterie.  

Le programme Deep Blue représente un investissement de 195 millions de dollars d’équipements et de matériels, composés entre autres de 16 véhicules blindés pour la patrouille côtière, de deux avions de mission spéciale dédiés à la surveillance de la zone économique exclusive, de trois hélicoptères, ou encore de 17 vedettes d’interception rapide. Le déploiement de ces équipements est couplé à celui des 600 soldats spécialement entraînés qui composent l’Unité nigériane de sécurité maritime, le MSU.  

Le Nigeria a également mis en place un centre de commandement et de contrôle basé à Lagos, qui permettra d’assurer la liaison avec d’autres efforts de sécurité régionale. La loi sur la répression de la piraterie et d’autres infractions maritimes adoptée par l’Assemblée nationale fournira en plus un soutien juridique dans le cas de poursuites des pirates.  

Une lueur d’espoir pour le Golfe 

Les grandes associations internationales du secteur ont rapidement félicité le Nigéria pour avoir lancé le projet, alors que le pays traverse d’importantes difficultés du fait de la crise sanitaire. L’industrie maritime a accueilli la nouvelle avec enthousiasme et espère que le Nigéria parviendra à utiliser au mieux ces outils. Pour le BIMCO, ce programme a redonné espoir au secteur maritime, mais les compagnies pourront vraiment être rassurées lorsque les autorités auront montré qu’elles maîtrisaient la situation en procédant à davantage d’arrestations notamment.  

« Nous espérons que tout ira pour le mieux » a déclaré Jakob P. Larsen, « mais nous n’avons pas encore vu ces moyens être déployés dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre, et tant que ce ne sera pas le cas, il sera difficile de juger si c’est un succès ou non. Mais nous espérons vraiment le meilleur et il ne fait aucun doute qu’avec ces moyens, le Nigeria sera en mesure d’avoir un impact sur la situation s’il le souhaite. » 

La piraterie a malheureusement des racines plus profondes… 

Les pays du Golfe sont particulièrement pauvres et le chômage atteint plus de 40% de la population. La criminalité est donc une solution pour les habitants en manque de moyens, ce qui rend le recrutement facile pour les bandes pirates.  

Il s’agit donc d’un problème structurel, qu’un pays comme le Nigéria n’est pas en mesure de gérer à lui seul. Il y a un réel besoin de renforcer la capacité à faire respecter la loi, et c’est pourquoi l’industrie maritime a appelé à une aide internationale. Les entreprises du secteur ont demandé à l’ensemble de la communauté internationale d’intervenir dans la zone pour aider à surveiller mais aussi faciliter les investissements dans des infrastructures qui manquent dans la région, comme des prisons par exemple. Certains pays tels que la France, le Danemark ou encore l’Espagne ont déjà répondu à l’appel en déployant des engins de surveillance dans la région.  

…mais n’est pas indépassable 

Le recours à une action militaire ne peut pas miraculeusement résoudre le problème compte-tenu de la précarité des habitants du Golfe, mais celle-ci peut tout de même permettre de réduire les attaques en les dissuadant.  

La piraterie dans le Golfe peut être combattue comme elle l’a été au large de la Somalie, qui constituait il y a quelques années la première zone d’attaques. Les gardes armés dans la zone ont permis de protéger les navires et les résultats se sont vite fait sentir. La zone de piraterie dans le Golfe de Guinée étant plus petite que celle en Somalie, le phénomène peut ainsi être éradiqué si les moyens nécessaires sont mis en œuvre.  

Piracy in the Gulf of Guinea: an eradicable threat? 

The Gulf of Guinea has become the world’s first piracy zone, and concentrates almost all attacks every year, with 95% of attacks in 2020. The 20,000 ships that pass through the area every year are at risk of more and more sophisticated attacks, which is a source of concern for the maritime community. As for the modus operandi, it often remains the same: the pirates take the agents on the ship hostage and demand a ransom within 4 to 8 weeks. 

Limited protection solutions 

Ships have the possibility to set up reinforced protection on board, with spaces where crews can take refuge in case of an attack and communicate with the outside world. At the same time, companies are relying on technologies that can detect the presence of pirates on the route to bypass them.  

The Nigerian navy has also developed a large protection industry to escort ships in exchange for money. However, this solution can be double-edged, as it reduces the interest of the authorities in putting in place real anti-piracy policies. 

Mobilization of the maritime sector 

Last May, the Baltic and International Maritime Council (BIMCO) launched the Gulf of Guinea Declaration on the suppression of piracy, which calls for action against this scourge. Within a few days of the declaration’s publication, the text gathered 120 signatures. Today, more than 350 organizations, associations and companies have signed it. Among the signatories are the world’s largest shipowners, the main maritime associations, and the World Economic Forum. The declaration encourages active operations to fight against the phenomenon, with the ambition of reducing the number of attacks by 80% by 2023.  

Jakob P. Larsen, Head of Maritime Safety and Security at BIMCO, explained that the declaration could be used mainly as an aid to politicians in countries around the world to help them allocate resources effectively. « The objective is to give political actors leverage in their discussions at the national level when they discuss the allocation of resources to a particular project or task. We hope they can refer to this statement and advocate for the deployment of military assets in the Gulf of Guinea to conduct an active policing operation, just as we saw in Somalia a decade ago. » 

Deep Blue Project: government action against piracy 

Nigeria, which has always taken the lead in this fight, has recently gone on the offensive. Nigerian President Muhammadu Buhari strengthened the capabilities of his national navy with the launch of the Deep Blue program last June. 

The program is overseen by the Nigerian Maritime Administration and Safety Agency and aims to provide the necessary means to track and suppress Gulf pirates. The program is considered the first integrated maritime security strategy in West and Central Africa to combat the ongoing threats of piracy.  

The Deep Blue program represents an investment of $195 million in equipment and materials, including 16 armored vehicles for coastal patrol, two special mission aircraft dedicated to the surveillance of the exclusive economic zone, three helicopters, and 17 fast interception craft. The deployment of this equipment is coupled with that of the 600 specially trained soldiers who make up the Nigerian Maritime Security Unit, the MSU.  

Nigeria has also established a command-and-control center based in Lagos, which will provide liaison with other regional security efforts. The Suppression of Piracy and Other Maritime Offences Act passed by the National Assembly will also provide legal support for the prosecution of pirates.  

A glimmer of hope for the Gulf 

Leading international industry associations were quick to congratulate Nigeria for launching the project at a time when the country is experiencing significant difficulties due to the health crisis. The shipping industry has welcomed the news and hopes that Nigeria will be able to make the best use of these tools. For the BIMCO, the program has given hope to the maritime sector, but companies can be truly reassured when the authorities have shown that they are in control of the situation by making more arrests.  

« We hope for the best, » commented Jakob P. Larsen, « but we haven’t seen these assets deployed in law enforcement operations yet, and until we do, it’s hard to judge whether it’s a success or not. But we are really hoping for the best and there is no doubt that with these assets, Nigeria will be able to have an impact on the situation if they choose so. » 

Piracy unfortunately has deeper roots… 

The Gulf countries are particularly poor, and unemployment reaches over 40% of the population. Crime is therefore a solution for people who lack the means, which makes it easy for pirate gangs to recruit.  

It is therefore a structural problem, which a country like Nigeria is not able to manage on its own. There is a real need to build law enforcement capacity, which is why the maritime industry has called for international assistance. The industry has asked countries around the world to intervene in the area to help monitor but also facilitate investment in infrastructures that are lacking in the region, such as prisons. Some countries like France, Denmark and Spain have already responded to the call by deploying surveillance equipment in the region.  

…but is not unsurpassable 

The use of military action can hardly work miracles given the precariousness of the inhabitants of the Gulf, but it can still help reduce attacks by deterring them.  

Piracy in the Gulf can be combated as it was off the coast of Somalia, which a few years ago was the primary area of attack. Armed guards in the area helped protect ships and the results were soon felt. The piracy area in the Gulf of Guinea is smaller than the one in Somalia, so the phenomenon can be eradicated if the necessary means are implemented.  

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