Le Guoanbu ou Ministère de la Sécurité de l’État (MSE) est l’actuel service de renseignement de la République Populaire de Chine (RPC). Il a vu le jour en 1983, sous l’ère de Deng Xiaoping, suite à la fusion du service de renseignement extérieur (Diaochabu) avec les services de contre-espionnage du Ministère de la Sécurité Publique (Gonganbu). À partir des années 1980, un vaste réseau d’espionnage va ainsi commencer à s’organiser et s’étendre progressivement. 

Le Guoanbu compte près de 7000 fonctionnaires ainsi que plusieurs dizaines de milliers d’agents illégaux présents aux quatre coins du monde. Le MSE est composé de 18 bureaux qui se chargent notamment du renseignement économique et technologique, du contre-espionnage, du renseignement extérieur dont un bureau qui se charge uniquement du renseignement sur Hong Kong, Macao et Taiwan. Il dispose également de bureaux chargés de surveiller l’opinion publique et de lutter contre les opposants politiques en surveillant de près les autonomistes tibétains, les activistes Ouïghours ainsi que les défenseurs des droits de l’Homme.  

Un puissant service de renseignement 

Tout d’abord, le MSE travaille en coordination avec de nombreux services militaires et civils chinois. Exerçant un contrôle strict sur la société chinoise, le Parti Communiste facilite le travail du Guoanbu qui peut coopérer aisément avec les universitaires, les entreprises et les citoyens en général. En effet, depuis 2017, la loi sur le renseignement oblige les entreprises et citoyens à coopérer avec les services secrets. La population chinoise est régulièrement sensibilisée aux questions d’espionnage et constamment incitée à dénoncer tout comportement suspect. 

En dehors du pays, le MSE s’appuie particulièrement sur une diaspora chinoise présente dans presque toutes les régions du monde. Depuis les années 2000, d’importants moyens d’interception des communications visant des universités et entreprises étrangères sont mis en œuvre. 

Il y a un domaine dans lequel les services de renseignement chinois sont particulièrement performants : le cyber espionnage. En quelques années, les cyberattaques en provenance de Chine ont fortement augmenté, faisant de ce service de renseignement chinois un des plus redoutés au monde. 

Il faut dire que la Chine compte un grand nombre de hackers qui agissent pour le compte du Guoanbu mais il existe également un nombre considérable de hackers chinois indépendants. Il est cependant assez difficile de connaître le niveau d’interconnexion entre ces différents groupes plus ou moins officiels. 

Les cibles du Guoanbu 

Ayant renforcé ses services de renseignement durant ces dernières décennies, la RPC a créé un puissant réseau présent dans le monde entier. Ses cibles sont multiples mais une se détache particulièrement : les États-Unis. 

En 2020, le directeur du FBI, Christopher Wray, a affirmé que la moitié des opérations d’espionnage visant les États-Unis étaient d’origine chinoise. 

Des secteurs comme celui de la Défense ou de l’énergie sont régulièrement attaqués. Mais depuis le début de la crise sanitaire, la République populaire a particulièrement ciblé les institutions de santé publique américaine ainsi que les grands groupes pharmaceutiques. Selon Christopher Wray, les espions chinois cherchaient à obtenir des informations sur la production et la stratégie de déploiement des vaccins afin de gagner en compétitivité sur la scène internationale. 

En mars dernier, Washington révélait que le serveur de messagerie Exchange de Microsoft avait été piraté par un groupe de hackers « hautement qualifiés et sophistiqués ». Il s’est avéré que ce groupe est soutenu par Pékin pour exploiter les failles de sécurité de Microsoft. 

Les services de renseignement chinois sont devenus des experts en espionnage industriel mais aussi en cybersécurité puisqu’ils sont capables de lancer des attaques massives contre les systèmes informatiques de pays tels que les États-Unis. 

Les services secrets chinois auraient même mis en œuvre un vaste programme d’espionnage en utilisant les réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn. En effet, des Américains travaillant pour des entreprises privées voire pour le gouvernement, ont pu être recrutés par l’intermédiaire de faux comptes se faisant passer pour des chasseurs de têtes. Il leur est par la suite souvent demandé de réaliser des rapports dans le but de leur faire dévoiler des informations confidentielles. Les États-Unis ne sont pas les seuls touchés par cette pratique. En France, plusieurs milliers de cadres du service public auraient été ainsi approchés. Selon un rapport de la DGSI et de la DGSE, cette opération des services de renseignement chinois a été qualifiée de « menace inédite ».  

Des tensions exacerbées 

Alors que les relations entre la Chine et les États-Unis sont déjà plus qu’instables, la multiplication des attaques chinoises risque d’exacerber les tensions. À plusieurs reprises, Washington a accusé Pékin d’attenter à la sécurité des États-Unis et de ses partenaires, en ayant des comportements irresponsables dans le cyberespace. En juillet dernier, l’Union Européenne, le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande condamnent avec les États-Unis les cyberattaques agressives du Guoanbu en dévoilant certaines de ses techniques d’espionnage. 

Face à ses cyber-menaces, le FBI a demandé à voir ses moyens augmenter afin d’être en capacité de contrer ces pratiques chinoises qui sont en permanence perfectionnées. La House Intelligence Committee qui supervise les activités de renseignement aux États-Unis, a exhorté la CIA à adopter un comportement plus offensif envers la Chine afin de mieux protéger les entreprises américaines de l’espionnage industriel. 

Ces accusations contre la RPC se multiplient alors que les tensions sont déjà vives de part et d’autre du Pacifique. En effet, alors que le déploiement de la 5G s’accélère, le géant chinois Huawei a été exclu de nombreux marchés occidentaux. Après les États-Unis, plusieurs gouvernements européens ont décidé de ne pas confier leur réseau au leader chinois par crainte qu’il transmette les télécommunications captées au MSE. 

En quelques années, le Guoanbu a su s’imposer comme un des services de renseignement les plus redoutés du monde. La Chine a compris qu’au XXIème siècle détenir un réseau d’espions est important mais savoir orchestrer des cyber-attaques capables de déstabiliser de puissants États l’est encore plus. Alors qu’au XXème siècle, le KGB était la référence en matière d’espionnage, il se peut que le Guoanbu prenne la relève et fasse parler de lui dans les années à venir. Toutefois, il ne faut pas oublier que même si le KGB a été dissout, les services de renseignements russes sont toujours aussi puissants.  

Sources

« Guoanbu, la puissance du renseignement chinois ». Le Temps, 26 décembre 2018. www.letemps.ch, https://www.letemps.ch/monde/guoanbu-puissance-renseignement-chinois. 

« Cyberattaque : pourquoi les Etats-Unis et l’Europe haussent le ton contre la Chine ». La Tribune, https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/cyberattaque-pourquoi-les-etats-unis-et-l-europe-haussent-le-ton-contre-la-chine-889299.html.  

Romanacce, Thomas. « Toutes les 10 heures, le FBI ouvre des dossiers contre des espions chinois ». Capital.fr, 16 octobre 2020, https://www.capital.fr/economie-politique/toutes-les-10-heures-le-fbi-ouvre-des-dossiers-contre-des-espions-chinois-1383300. 

Romanacce, Thomas. « Les services de renseignements chinois devancent la CIA ». Capital.fr, 1 octobre 2020, https://www.capital.fr/economie-politique/les-services-de-renseignements-chinois-devancent-la-cia-1382040. 

« Les services de renseignement de la république populaire de Chine. Deuxième partie : le ministère de la sécurité d’Etat (Guojia Anquanbu) » Centre Français de Recherche sur le Renseignement ». Centre Français de Recherche sur le Renseignement, https://cf2r.org/documentation/les-services-de-renseignement-de-la-republique-populaire-de-chine-deuxieme-partie-le-ministere-de-la-securite-detat-guojia-anquanbu/. 

« Le renseignement en Chine ». Chroniques d’Asie et d’Europe, 16 mai 2020, https://www.chroniques-asie-europe.fr/2020/05/16/le-renseignement-en-rpc/. 

« Cyberattaques : les États-Unis et leurs alliés condamneront ensemble les activités «malveillantes» de la Chine ». LEFIGARO, https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/cyberattaques-les-etats-unis-et-leurs-allies-condamneront-ensemble-les-activites-malveillantes-de-la-chine-20210719. 

« Washington accuse Pékin d’utiliser LinkedIn pour des campagnes d’espionnage ». Sciences et Avenir, 1 septembre 2018, https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/washington-accuse-pekin-d-utiliser-linkedin-pour-des-campagnes-d-espionnage_127256. 

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