Auteurs : Pauline Le Carff et Adrien Ramamonjisoa
Traducteurs : Pauline Le Carff, Adrien Ramamonjisoa et Ali Jamaleddine
English version below
Diego Armando Maradona s’est éteint le 25 novembre 2020 à l’âge de 60 ans. Dieu du football, les coups d’éclat du « Maître » argentin resteront gravés à tout jamais dans les mémoires de ses fans. Retour sur la vie d’un génie devenu symbole politique.
Un symbole Argentin
Titulaire et leader des Argentinos Juniors, modeste club de la banlieue de Buenos Aires depuis le début de sa jeune carrière, Diego Maradona est dès le plus jeune âge reconnu comme un prodige en Argentine. Convoqué à l’âge précoce de 16 ans avec l’Albicéleste, il fait cependant ses premiers faits d’armes avec l’équipe des moins de 20 ans, lors de la coupe du monde 1979 de cette tranche d’âge. Lors du tournoi se déroulant au Japon, il survolera et remportera la compétition.
Transféré deux ans plus tard au club iconique de Boca Juniors, il s’affirme comme le meilleur footballeur argentin de sa génération. Respecté par ses pairs et tout un peuple, y compris des afficionados de River Plate, éternel rival de Boca, les argentins voient en lui le futur meneur de la sélection capable de mener l’Argentine au sommet.
Au-delà du football, sport roi dans le pays, l’Argentine vit des moments compliqués. Dirigé depuis 1976 par une dictature militaire autoritaire sobrement appelé « Proceso de Reorganización Nacional » (Processus de réorganisation national), le pays rentre en guerre contre le Royaume-Uni en 1982, au sujet des îles Malouines. L’archipel situé au milieu de l’Océan Atlantique devient le théâtre d’affrontements pendant moins de deux mois. Le Royaume-Unis triomphe tandis que l’Argentine et son régime est humilié.
Quatre ans plus tard, c’est grâce au football que le peuple Argentin retrouve son honneur. Menés par Maradona, capitaine et numéro 10, les sud-américains triomphent en quart de final contre l’Angleterre en gagnant 2-0. Cet épisode est de loin le plus iconique et glorieux de la carrière de Maradona qui inscrit les deux seuls buts de la rencontre. Le premier, mis malicieusement de la main, deviendra la légendaire « main de dieu ». Le deuxième est un slalom entre les défenseurs anglais, avec une course qui commence dans sa propre surface et qui prend fin avec le drible du gardien, humiliation suprême pour tous les fans de football. Vainqueur face au pays qui a inventé ce sport, l’Argentine tient sa revanche de la plus belle des manières. Rapide mais surtout imprévisible, le jeu de Maradona est considéré comme un véritable pied de nez aux anglais, dont le jeu est jugé plus classique et plus ordonné.
Pour le reste, l’Argentine de Maradona continue de briller et entre dans le panthéon du football, en remportant le tournoi.
L’honneur des plus pauvres
Cette revanche et la coupe du monde marquent le début du rêve européen et un nouveau chapitre dans la carrière du joueur.
Fraichement débarqué au FC Barcelone, Diego Maradona fait désormais rêver le monde entier. Issu d’un quartier pauvre et dangereux qu’il qualifie de « privé », “privé d’eau, privé d’électricité”, Maradona devient une figure de la lutte des classes. Il développe l’image d’un homme dévoué à défendre les plus pauvres, les « descamisados » (littéralement : les sans chemises). Il incarnera la lutte de ceux qui n’ont rien contre les plus riches.
Tout d’abord face au Real Madrid, adversaire historique de Barcelone et ancien symbole du franquisme, il entre dans la courte liste des footballeurs acclamés par les supporters adverses dans leur propre stade, Santiago Bernabeu.
Le point d’orgue de sa carrière, qui parachève cette image, est son long passage à Naples, pendant 7 ans. Le club, n’ayant alors connu aucun titre de champion d’Italie, représente l’Italie du Sud, pauvre et dépendante de ses rivaux du Nord : en choisissant de jouer au sein de cette équipe, Maradona se dresse contre le pouvoir central de Rome et l’orgueil des villes du Nord (Milan, Turin). En participant aux deux seuls titres de champion du pays obtenus par Naples, le joueur joue le rôle d’ambassadeur des « culs terreux », les travailleurs du Sud. Ce faisant, il place la ville sur une carte et reconfigure le paysage italien, dépassant le simple cadre du football.
Adulé par les napolitains, son image de « Bad boy », coupable de nombreux craquages et coups de sang eut également un rôle important dans la construction de son mythe : un personnage attachant, accessible, humain et par-dessus tout preuve que tout le monde peut réussir.
En 1991, à la suite d’un contrôle antidopage positif à la cocaïne, le joueur quitte le Napoli et abandonne progressivement le très haut niveau. Cet ultime épisode avec Naples renforce son mythe de joueur se dressant contre l’autorité de Rome, symbolisé par la fédération italienne.
La fin de sa carrière ne signifie pour autant pas la fin de ses apparitions médiatiques et de ses phrases chocs. Contre l’impérialisme américain et proche des leaders socialistes tels qu’Hugo Chávez, Fidel Castro, ou encore Nicolas Maduro, il n’hésitera pas à défendre ses idées sur la scène publique.

L’annonce de sa mort près de 23 ans après la fin de sa carrière a suscité des réactions dans le monde entier, preuve que son rapide passage dans le monde footballistique est indélébile.
Au-delà du joueur sensationnel, c’est également l’homme et ses idées qui sont salués. A la hauteur des hommages rendus lors de la mort de Nelson Mandela ou encore Lady Diana, le monde entier a pleuré le décès de l’argentin.
Dans son Argentine natale, le gouvernement a décrété un deuil national, chose exceptionnelle, de trois jours. Preuve de la reconnaissance internationale envers le joueur, le gouvernement indien de l’état de Kerala a, lui aussi, décrété un deuil national de deux jours en son hommage.
Plus encore, les débats qu’ont pu susciter ces hommages, à l’image de la critique du gouvernement vénézuélien envers les déclarations du Président Macron, soulignent les tensions politiques toujours exacerbées par le joueur. Le dirigeant français avait tout d’abord rendu hommage à l’argentin en mettant au premier plan la « résurrection » de son pays à la suite de la victoire contre l’Angleterre, avant de déclarer que « ses expéditions auprès de Fidel Castro comme de Hugo Chávez auront le goût d’une défaite amère. C’est bien sur les terrains que Maradona a fait la révolution ».
Que l’on soit adepte ou non de football, Diego Maradona, par son image et ses déclarations, n’a laissé personne indifférent.
Diego Maradona : a legendary football player
Diego Armando Maradona died on 25 November 2020 at the age of 60. God of football, the blows of glares of the Argentine genius will remain forever engraved in the memories of his fans. A look back at the life of a genius who became a political symbol.
An Argentinian symbol
Holder and leader of Argentinos Juniors, a modest club located in the suburbs of Buenos Aires since the beginning of his young career, Diego Maradona has been recognised as a prodigy in Argentina from a very young age. He was drafted at an early age (16 years old) to play for the Albiceleste, but he made his debut with the under 20 years old team at the 1979 World Cup for this age group. During the tournament in Japan, he was the best player and won the competition.
Transferred 2 years later to the iconic club Boca Juniors, he asserts himself as the best Argentinian footballer of his generation. Respected by his peers and a whole nation, including the afficionados of River Plate, Boca’s eternal rival, Argentines see in him the future leader of the team capable of leading Argentina to the top.
Beyond football, the most popular sport in the country, Argentina is going through complicated times. Led since 1976 by an authoritarian military dictatorship soberly called the « Proceso de Reorganización Nacional » (National Reorganization Process), the country went to war with the United Kingdom in 1982 over the Falklands. The archipelago situated in the middle of the Atlantic Ocean became the place of a war for less than 2 months. The United Kingdom triumphs while Argentina and its regime is humiliated.
4 years later, it is thanks to football that the Argentinian people regained their honour. Led by Maradona, captain and number 10, the South Americans triumphed in the quarterfinals against England by winning 2-0. This episode is by far the most iconic and glorious of Maradona’s career, because he scored both goals in the match. The first one was mischievously scored with his hand and became the legendary « hand of God ». The second is a slalom between the English defenders, with a race that begins in his own part of the pitch and ends with a dribble of the goalkeeper, the ultimate humiliation for all football fans. Winner against the country that invented this sport, Argentina is taking its revenge in the most beautiful way. Fast but above all unpredictable, Maradona’s skills are considered to be a real snub to the English, whose game is considered more classical and orderly.
For the rest, Maradona’s Argentina continues to shine and enters the football pantheon, winning the tournament.
Honor for the poorest 3
This revenge and the World Cup marked the beginning of the European dream, and a new chapter in the player’s career.
Freshly landed at the FC Barcelona, Diego Maradona now makes the entire world dream. From a poor and dangerous neighborhood, that he describes as “private” : deprived of water and electricity, Maradona becomes a figure of the class struggle. He develops the image of a man dedicated to defending the poorest, the “descamisados” (literally : the shirtless), who embodies the struggle of those who have nothing, against the wealthiest.
Firstly, against the Real Madrid, Barcelona’s eternal rival and former symbol Franco’s regime, he enters the short list of the players who have been applauded by the opponent’s supporters in their own stadium, Santiago Bernabeu.
Its career culmination point that completes this image is his long passage at Napoli, for 7 years. The club, which still had not gotten the title of Italy’s champion, represents South Italy, poor and dependent of its Nord rivals : by choosing to play there, Maradona stands against Rome’s central power and the Northern cities’ arrogance. Participating to the two only country’s championship titles obtained by Napoli, the player is the ambassador of the “clodhoppers”, the South workers. Doing this, he gave the city an importance in the Italian landscape, going beyond football’s framework.
Adored by the Neapolitans, his “Bad boy” image, guilty of numerous excesses and bloodshed, also had an important role in his myth’s construction : an attaching, approachable, and human character who proves that anyone can succeed.
In 1991, after he was tested positive to cocaine, the player leaves Napoli and progressively gives up on professional level. This last episode with Napoli strengthens the myth of the player who stands against Rome’s authority, symbolized by the Italian federation.
However, his career’s end doesn’t mean that his media appearances and shock phrases end too. Against the American imperialism, and close to socialist leaders such as Hugo Chavez, Fidel Castro or Nicolas Maduro, he did not hesitate to defend his ideas publicly.

The announcement of his death almost 23 years after the end of his career has led to reactions from all over the world, proof that his rapid passage through the world of football is indelible.
Beyond the sensational player, it is also the man and his ideas that are being praised. As much as the tributes paid at the death of Nelson Mandela or Lady Diana, the whole world mourned the Argentinian’s passing.
In his native Argentina, the government has decreed an exceptional three-day national mourning period. As proof of the international recognition of the player, the Indian government of the state of Kerala also declared a two-day national mourning period in his honour.
Moreover, the debates generated by these tributes, like the Venezuelan government’s criticism of President Macron’s statements, underline the political tensions still being exacerbated by the player. The French leader had first paid tribute to the Argentinean by highlighting the « resurrection » of his country following the victory over England, before declaring that « his expeditions to both Fidel Castro and Hugo Chávez will have the taste of bitter defeat. Maradona’s revolution was fought on the ground ».
Whether we are a football fan or not, Diego Maradona’s image and statements have left no one indifferent.