Auteur et traducteur : Pierre Khelladi 

Le 28 août dernier, le premier ministre  Shinzo Abe annonce sa démission au terme d’un mandat de plus de 8 ans à la tête du Japon. Ce dernier laisse la place à Yoshihide Suga, secrétaire général du cabinet d’Abe, après un mandat historiquement long. Shinzo abe, durement affaiblit par une maladie des intestins ces dernières années, laisse un pays marqué par son fameux programme politique « Abenomics », impulsé depuis 2012.

Un peu d’Histoire

La fin de la Seconde Guerre Mondiale a poussé le Japon à reconstruire entièrement sa politique et son économie. Jadis, Impérialiste en Asie sous Hirohito, la défaite du 6 et 9 août 1945 d’Hiroshima et Nagasaki a profondément marqué le japon. En effet, dès 1947, les Etats-Unis ont imposé une Constitution au pays du soleil levant interdisant tout conflit armé. Jusque dans les années 1990, le Japon s’est concentré à se reconstruire économiquement grâce au Premier Ministre Yoshida, en négligeant délibérément son influence diplomatique. Dans les années 1960, le PIB du japon augmente chaque année de 10 à 12% de croissance jusqu’à se hisser au seconde rang de l’économie mondiale dans les années 1970. Pourtant dans les années 1990-2000, le Japon fut marqué  par une violente crise bancaire qui a beaucoup affaiblit l’économie du pays en creusant la dette et dégénérant en déflation. Pourtant, celle-ci s’en est relevée puisqu’elle reste la 3ème plus grosse économie mondiale et le 10ème pays en termes d’IDH. De plus, ses deux grandes façades maritimes dans l’Océan Pacifique et en Mer de Chine lui ont permis d’être un pôle majeur de la Triade, concentrant 5% du commerce mondiale et 6% des exportations mondiales.

L’économie de Shinzo Abe

Abe a joué un rôle clef dans la politique de redynamisation du Japon, portant encore ses fruits aujourd’hui et ancrant le Japon dans les enjeux de la Mondialisation. Le plan de relance démarré en 2013 surnommé «  Abenomics » visait à relever et à faire rayonner l’économie japonaise. Cette redynamisation était nécessaire car le Japon fut durement touché par la crise des années 1990, la crise des NPIA en 1997 amenant la décennie perdue (ère Heisei) des années 2000 puis celle des subprimes en 2008. Shinzo Abe a imposé une nationalisation et une concentration des banques encore effective aujourd’hui lui permettant de soutenir l’énorme dette publique du pays estimée à 240% du PIB. Cela étant dit, cette dette reste pour la majeure partie conservée en devise nationale. Abe a néanmoins cherché à soutenir l’économie de son pays avec une vision très libérale : réduction des dépenses publiques, augmentation de la TVA de 10%, dévaluation du yen – vecteur d’inflation – permettant de contenir l’augmentation de la dette et réduire ainsi tout risque déflationniste. Abe maintient l’innovation au cœur de son programme économique avec une vision à long terme des enjeux liés à la Mondialisation : la robotisation, les politiques natalistes et la féminisation du travail font partie de son héritage.

Pourtant, les « Abenomics » se heurtent à des problèmes conjoncturels très importants comme le vieillissement de la population et un taux de fécondité très faible au Japon (1.43 enfant/femme). L’espérance de vie au Japon est le plus élevé des pays de l’OCDE, 85 ans pour un homme et 78 pour une femme, pouvant menacer le système sociale et l’investissement Japonais à long terme avec un « papy boom ».

Abe s’est aussi confronté à la question de la Transition écologique suite à la catastrophe de Fukushima survenue en 2012, qui a marqué profondément le pays en l’alertant sur les problèmes de l’énergie nucléaire. L’absence de mesures concrètes pour défendre cette transition a été sévèrement critiquée durant son mandat. De nombreuses manifestations ont éclaté notamment lors de la réactivation de 2 centrales nucléaires sur le territoire en 2014 alors que le Japon dépend encore à 94% d’énergie importée sur le continent Asiatique. L’économie japonaise reste donc toujours en transition.

La diplomatie Japonaise

Abe n’a pas seulement impulsé une modernisation de l’économie Japonaise mais a aussi contribué à réaffirmer le rayonnement Japonais dans le monde, quitte à remettre en cause les directives internationales imposées du passé. En effet, le Japon a toujours été en concurrence économique et militaire avec la Chine. L’expansion de l’économie mais aussi de l’aire d’influence géostratégique chinoise n’ont fait que renforcer la volonté militariste et expansionniste du Japon. Les « frères ennemies » renouent avec leurs passés impérialistes, notamment par la remise en cause de l’article 9, interdisant une remilitarisation du Japon. Cela va à l’encontre des aspirations pacifistes du Japon depuis 1945. Le pays du soleil levant livre désormais plusieurs bras de fer en Asie : la revendication des îles Senkaku et Diaoyu contre la Chine, résolu en 2014, pour l’archipel des îles Kouriles contre la Russie ou encore les îles Takeshima et Dokdo contre la Corée du Sud.

Pourtant le pays est aussi en proie à de nombreuses menaces extérieures comme les frappes nucléaires de la Corée du Nord en 2016. Abe a renforcé ses liens avec les Etats-Unis, garant historique de leur protection, en défendant les sanctions économiques portées sur la Chine par le pays de Oncle Sam. Le Japon de Abe se pense désormais comme un pôle de coopération et de stabilité au sein du Pacifique. Le Japon aspire aujourd’hui à se rapprocher non seulement de ses proches alliés comme l’Australie ou encore Taiwan mais aussi de l’Europe et du Moyen Orient en voulant participer aux côté de la Chine au projet des « nouvelles routes de la Soie ». La volonté de Abbe d’ancrer le Japon dans la Mondialisation, promouvant un libre-échange de plus en plus exacerbé, pourrait pourtant lui jouer des tours. En effet, la paupérisation a augmenté en 10 ans de 16% et est à l’origine de nombreuses tensions sociales internes très importantes. S’ajoute à cela un rejet de l’immigration extérieure et surtout d’un très fort taux d’abstention observé aux dernières élections indiquant une crise démocratique profonde.

Le Japon post-Abe

Le Japon se confronte encore à de nombreux enjeux dont le premier ministre Yoshihide Suga se doit de relever dans la droite ligne de son prédécesseur ou doit au contraire s’en écarter. Le Japon doit se penser dans le long terme : une réforme de l’agriculture et une flexibilisation du marché du travail ainsi qu’une réforme de son système de retraite seraient souhaitable pour pallier aux conséquences des crises économiques depuis l’aube du XXIème. La modernisation d’Abe doit se poursuivre en ouvrant l’économie et la société à l’extérieur pour ancrer le Japon dans le post-ère Heisei: favoriser les exportations et l’immigration. Pourtant certains signes avant-coureurs sont plutôt positifs : l’ancienne pègre des Yakuza s’écarte d’une économie souterraine permettant de favoriser la paix sociale et l’armée jouit d’une bonne image depuis son action lors de Fukushima. Bien que le Hard power Japonais cherche à se réaffirmer, le successeur d’Abe devra s’écarter du spectre d’une vision autocentrée et nationaliste « Abenomic ». Aujourd’hui le Japon devrait plus miser sur son soft power et son rayonnement culturel, de plus en plus présent non seulement en Occident mais aussi à travers le monde entier, notamment dans nos bibliothèques ou autre Game Boy…

 

Japan : Shinzo Abe’s legacy 

On August 28th, Japan’s Prime Minister Shinzo Abe resigned after 8 years as head of state. Yoshihide Suga is the new Prime Minister. He was Abe’s Assistant Secretary General. Shinzo Abe had been suffering from a bowel disease for years. He leaves the country affected by his famous political programme ‘Abenomics’, put into place in 2012.

At the end of the Second World War, Japan had to rebuild and modernize its politics and its economy. Before that, Japan was Imperialist with Hirohito, but the defeat at Hiroshima and Nagasaki in 1945 affected it very much. Indeed, in 1947, The United States imposed a constitution on Japan, forbidding it to wage any armed conflict. Until the 1990s, Japan focused on rebuilding its economy thanks to Prime Minister Yoshida without any diplomatic influence. In the 1960s, Japan’s GDP increased by 10 or 12% every year until it reached the second place in global economy in the 1970s. However, in the 1990-2000s, Japan was affected by a violent banking crisis. This one increased debt and caused deflation. However, Japan still was the third world economy and the 10th country with the highest HDI. Moreover, its 2 seafronts on both the Pacific Ocean and the China Sea allowed Japan to play a major role in globalization, with 5% of world trade and 6% of world export.

Abe played a key role in his revitalisation policy . This policy is still effective now, empowering Japan in globalization. The recovery plan focused on modernising Japan’s economy. It started in 2013 and named ‘Abenomics’. This revitalisation was necessary because Japan had been affected by crises in the 1990s, that of the NPI in 1997 making the ‘Lost Decade’ (Hersei’s era) in the 2000s, followed by that of the subprime in 2008. Shinzo Abe imposed a nationalisation and a concentration of banking powers still in place today. Abe was nevertheless able to sustain the huge public debt in the country — around 240% of GDP. However, this debt is still national money. Abe looked to modernise its economy with a liberal vision – cutting public debts, VAT increased by 10%, yen depreciation, allowing to fight against public debt and deflation. Abe maintains innovation as a main role in his economic program*. The stakes are high:  robotization, natalist policy and feminisation at work are his legacy.

However, ‘Abenomics’ cause short-term problems, such as accelerated ageing in Japan and the very low fertility rate (1.43 child/woman). Life expectancy in Japan is the highest in the OECD, 85 years for a man, 78 for a woman. This situation could be a threat for Japan’s welfare system and investment with a ‘papy boom’.

Moreover, Abe worried about the ecological transition following Fukushima’s explosion in 2012. Society was very concerned about nuclear energy. The lack of concrete measures in favour of this transition has been very criticised, especially when two nuclear power plants have been reactivated  in 2014, leading to riots. It was a paradoxical situation because Japan imports 94% of its energy from Asia. The Japanese economy is thus still transitioning.

Abe contributes to modernise the economy, but also Japan’s image and presence on the global stage, contrarily to all international decisions from the past. Indeed, Japan has still been in both economical and military competitions with China. China’s economic development and its geostrategic influence area reinforced militarist policies in Japan. The so-called enemy brothers renew with their imperialistic past, especially by putting into question the existence of the 9th article,  which forbids the remilitarisation of Japan. Nowadays, Japan claims many territories in Asia – Senkaky and Diaoyu Islands against China, Kouriles Islands against Russia and Takeshima and Dokdo Islands against South Korea.

However, Japan also has to deal with multiple threats outside of the country such as nuclear weapons being tested by North Korea in 2016. Abe reinforced links with the United States, historical  defender of the country since 1945. Japan was in favour of economical sanctions against China. Today, Japan is a center for cooperation and stability in the Pacific Ocean. Japan wants to have close allies like Australia and Taiwan. Japan wants to participate in the ‘One Belt, One Road’ project with China, Europe and the Middle East.

Abe’s will to put Japan in the center of globalisation, promoting free-trade, could not be a trump card for Japan. Indeed, poverty and precarization increased by 16% over the last decade. Many internal social tensions now exist. Moreover, a rejection of foreigners and very high abstention rates at the last elections show a considerable democratic crisis.

The stakes are very high in Japan. New Prime Minister Suga should choose to maintain Abe’s era, or on the contrary to make it its own legacy. Japan should think for the future –an agricultural reform, to make the labour market more flexible, and to change the retirement system are necessary to fight crises from the past and in the future. Abe’s modernisation should open the economy and welcome more immigration. Japan has to be modernised in order to maintain its key role in globalisation today. Nonetheless, some signs are very positive – the Japanese Yakuza’s progressive retreat from an underground economy motivates social peace, and the Japanese army receives a greater and greater reputation due to its action during Fukushima. Although the Japanese hard power looks to be more powerful today, Yoshihide Suga  should make his own society model to compare and contrast with the nationalist vision of the Abenomics. Today, Japan should be focused on its soft power, especially with its cultural influence, more and more present in Occident and in the whole world: Enjoy Mangas and Game Boy!

Pierre Khelladi
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