25 novembre 2019, 13 soldats Français sont morts dans la région du Sahel à la suite d’une collision d’hélicoptères dans le sud du Mali. La France a connu, lundi 2 décembre, une douloureuse cérémonie à l’occasion de l’hommage national rendu aux soldats décédés. Emmanuel Macron a présidé cette solennité dans la cour d’honneur de l’hôtel des Invalides en engageant des mots forts et lourds de sens quant à la participation de la nation française dans ce conflit. Quel est le contexte de cette guerre ? Pourquoi la France intervient-elle dans cette zone ? GEMONU décrypte pour vous les dessous de cette confrontation.
Le Mali est un pays d’Afrique de l’Ouest, ancienne colonie française et indépendante depuis le 22 septembre 1960. La population malienne est composée de plus de 19 millions d’habitants et est constituée de plusieurs ethnies comme les Dogons, les Bobos, les Touaregs, etc…, et c’est à cette dernière que nous nous intéresserons plus particulièrement. Plus de 90% de la population vit dans le sud du pays, couvert par la savane et la vallée du fleuve Niger. Le nord du pays est à la fois traversé par le Sahel et le Sahara où y vivent des populations majoritairement arabes et Touaregs. La zone de peuplement Touareg s’étend d’ailleurs au-delà des frontières maliennes. Dans cette région aride et difficilement maitrisable par l’état, des groupes extrémistes y ont trouvé refuge tel que l’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) ou encore l’État Islamique. Pourquoi cette zone est-elle aussi sensible et complexe ?
Après la révolution libyenne de 2011, les Touaregs, enrayés auprès de l’armée du général Kadhafi quittent le pays suite à la chute du régime et retournent dans le nord du Mali. Dans cette région, le trafic de nouvelles armes et la formation de groupuscules la rendent instable et dangereuse. C’est ainsi que voient le jour, le 1e avril 2012, le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) et d’autres mouvements salafistes gagnant le contrôle sur la majorité des espaces du Nord. L’Azawad est un territoire totalement désertique recouvrant les zones saharienne et sahélienne dont les Touaregs réclament l’indépendance. Après avoir subi de lourdes défaites dues notamment au manque de force de frappe de l’armée malienne, cette dernière se retourne contre le pouvoir en place et renverse ainsi le gouvernement d’Amadou Toumani Touré, 4e président de la République malienne, le 22 mars 2012.
A l’indépendance de l’Azawad, le 6 avril 2012, s’ajoute un autre groupuscule, prônant la « charia » comme mode de gouvernement et se réclamant comme étant proches de valeurs islamistes radicales. C’est alors qu’un autre conflit commence entre les deux populations nomades. Ce groupe extrémiste, Ansar Dine, est proche de mouvements tout aussi radicaux comme l’AQMI, le mouvement pour le jihad en Afrique de l’Ouest. L’instabilité et la nocuité de la région inquiètent les gouvernements voisins d’abord, craignant une propagation de ces rébellions jusque dans leurs frontières.
L’armée française s’empare d’une nouvelle ville : Bourem
Présente dans cette région depuis l’époque coloniale, la France est aujourd’hui un acteur majeur dans cette guerre. Avec l’accord des Nations Unies et sur demande du gouvernement malien, le pays tricolore met alors en marche l’opération « Barkhane » le 1er août 2014. Ce ne sont pas moins de 3000 militaires, 200 blindés, 6 avions de combat qui sont mis à disposition des intérêts français dans cette zone.
Depuis quelques temps, cette présence dérange les populations locales chez lesquelles naît un sentiment anti-français de plus en plus vif. L’insécurité se fait ressentir : victimes de plus en plus nombreuses, blessés et plusieurs portés disparus également du côté français. Cette expression de mécontentement au sein des populations locales prend également d’autres dimensions moins évidentes. Beaucoup d’entre eux pourfendent une présence militaire « néocolonialiste ». Les intérêts français sont-ils seulement humanistes ?
Les sous-sols du nord malien abritent un important potentiel pétrolier, constitué de 4 bassins au nord, au sud ainsi qu’à l’est de cette zone et est également le 3e plus grand producteur d’or en Afrique après l’Afrique du Sud et le Ghana. Dans l’Adrad des Ifoghas, massif montagneux situé au nord-est du pays, ou encore dans la région du Gao, on trouve des réserves d’uranium, dont les mines sont détenues par Orano, multinationale française opérant dans le secteur de l’énergie et dont l’activité principale est liée aux métiers du nucléaire. Ces mines fournissent 30% des approvisionnements en uranium des centrales nucléaires françaises.
Le succès de cette opération reste discutable. Les rebelles ont bel et bien disparu pour la majorité d’entre eux du nord du pays, mais seulement pour réapparaître ailleurs. On observe aujourd’hui un regain de leurs activités dans d’autres endroits de la région comme au Burkina Faso ou au Niger. Dans la nuit du 10 décembre 2019, 71 soldats tués dans les rangs nigériens ainsi que 12 blessés sont à déplorer, ce qui a conduit au report du sommet prévu le 16 décembre à Pau où Emmanuel Macron devait recevoir les différents dirigeants des pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad).
Une question devient néanmoins tenaillante : combien coûte cet engagement militaire ? Doit-il encore durer ? Et au vu des dépenses engagées, le jeu en vaut-il la chandelle ? Cette présente française coûte près de 700 millions d’euros à l’état français chaque année auxquels viennent encore s’ajouter plusieurs milliards en dépenses d’infrastructures militaires ou civiles dans les années à venir. Même si cette intervention dispose certainement d’un caractère rentable, compte tenu de l’instabilité pesante de la région, ses ambitions doivent rester mesurées et avec des objectifs limités.
Sources :
Courrier International. « Daech s’enracine au Mali » https://www.courrierinternational.com/article/terrorisme-militaires-morts-au-mali-daech-senracine-au-sahel (Accessed December 11 2019)
Wikipedia. « La guerre du Mali »https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Mali
(Accessed December 11 2019)
Le Parisien. « Mali : une guerre sans fin »http://www.leparisien.fr/international/mali-une-guerre-sans-fin-30-04-2018-7691247.php
(Accessed December 13 2019)
Nouvel Obs. « Un soldat français tué »https://www.nouvelobs.com/guerre-au-mali/
(Accessed December 13 2019)
France 24. « Dans le nord du Mali, avec l’armée française »https://www.youtube.com/watch?v=iE66NOg-6lE
(Accessed December 14 2019)
Le Monde. « Un sommet du G5 Sahel »https://www.lemonde.fr/mali/
(Accessed December 14 2019)
Jeune Afrique. « Ibrahim Boubacar lance un dialogue national inclusif » https://www.jeuneafrique.com/pays/mali/
(Accessed December 14 2019)
On 25 November 2019, 13 French soldiers died in the Sahel region following a helicopter collision in southern Mali. On Monday, December 2, France underwent a painful ceremony on the occasion of the national tribute paid to the deceased soldiers. Emmanuel Macron presided over this solemnity in the main courtyard of the Hôtel des Invalides, engaging in strong and meaningful words about the French nation’s participation in this conflict. What is the context of this war? Why is France intervening in this area? GEMONU deciphers for you the background of this confrontation.
Mali is a West African country, a former French colony and independent since 22 September 1960. The Malian population is composed of more than 19 million inhabitants and is made up of several ethnic groups such as the Dogons, Bobos, Tuaregs,… it is the latter that we will be particularly interested in. More than 90% of the population lives in the south of the country, covered by the savannah and the Niger River valley. The north of the country is crossed by the Sahel and the Sahara, where the majority of the population is Arab and Tuareg. The Tuareg settlement area extends beyond Mali’s borders. In this arid region, which is difficult for the state to control, extremist groups such as AQIM (Al Qaeda in the Islamic Maghreb) and the Islamic State have found refuge there. Why is this area so sensitive and complex?
After the Libyan revolution of 2011, the Tuaregs, stopped by General Gaddafi’s army, left the country following the fall of the regime and returned to northern Mali. In this region, the trafficking of new weapons and the formation of small groups make it unstable and dangerous. Thus, on April 1, 2012, the MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) and other Salafist movements were created, gaining control over most of the northern areas. Azawad is a totally desert territory covering the Saharan and Sahelian areas whose independence the Tuaregs are demanding. After suffering heavy defeats due in particular to the lack of strike force of the Malian army, the latter turned against the ruling power and thus overthrew the government of Amadou Toumani Touré, 4th President of the Malian Republic, on 22 March 2012.
In addition to Azawad’s independence on 6 April 2012, there was another small group, advocating the « sharia » as a mode of government and claiming to be close to radical Islamist values. It was then that another conflict began between the two nomadic populations. This extremist group, Ansar Dine, is close to equally radical movements such as AQIM, the jihad movement in West Africa. The instability and nakedness of the region worries neighbouring governments first, fearing that these rebellions will spread to their borders.
The French army seizes a new city : Bourem
Present in this region since colonial times, France is now a major player in this war. With the agreement of the United Nations and at the request of the Malian government, the French-speaking country then launched Operation « Barkhane » on 1 August 2014. No less than 3000 soldiers, 200 armoured vehicles and 6 combat aircraft were made available to French interests in this area.
For some time now, this presence has been disturbing local populations among whom there is an increasingly strong anti-French sentiment. Insecurity is being felt: more and more victims, wounded and several missing also on the French side. This expression of discontent among local populations also takes on other, less obvious dimensions. Many of them are attacking a « neo-colonialist » military presence. Are French interests only humanistic?
The subsoils of northern Mali have significant oil potential, with 4 basins to the north, south and east of the area and is also the third largest gold producer in Africa after South Africa and Ghana. In the Adrad des Ifoghas, a mountainous massif located in the north-east of the country, or in the Gao region, there are uranium reserves, the mines of which are owned by Orano, a French multinational operating in the energy sector and whose main activity is linked to the nuclear industry. These mines provide 30% of the uranium supplies to French nuclear power plants.
The success of this operation remains questionable. Most of the rebels have disappeared from the north of the country, but only to reappear elsewhere. There is now a resurgence of their activities in other parts of the region such as Burkina Faso and Niger. On the night of 10 December 2019, 71 soldiers killed in the ranks of Niger and 12 wounded were reported, which led to the postponement of the summit scheduled for 16 December in Pau, where Emmanuel Macron was to receive the various leaders of the G5 Sahel countries (Mauritania, Mali, Burkina Faso, Niger and Chad).
However, one question becomes tenacious: how much does this military commitment still cost? And given the expenses involved, is it worth it? This French presence costs the French government nearly 700 million euros each year, to which several billion more will be added in military or civilian infrastructure spending in the coming years. Although this intervention is certainly profitable, but given the region’s heavy instability, its ambitions must remain measured and with limited objectives.
Sources :
Courrier International. « Daech s’enracine au Mali » https://www.courrierinternational.com/article/terrorisme-militaires-morts-au-mali-daech-senracine-au-sahel (Accessed December 11 2019)
Wikipedia. « La guerre du Mali »https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Mali
(Accessed December 11 2019)
Le Parisien. « Mali : une guerre sans fin »http://www.leparisien.fr/international/mali-une-guerre-sans-fin-30-04-2018-7691247.php
(Accessed December 13 2019)
Nouvel Obs. « Un soldat français tué »https://www.nouvelobs.com/guerre-au-mali/
(Accessed December 13 2019)
France 24. « Dans le nord du Mali, avec l’armée française »https://www.youtube.com/watch?v=iE66NOg-6lE
(Accessed December 14 2019)
Le Monde. « Un sommet du G5 Sahel »https://www.lemonde.fr/mali/
(Accessed December 14 2019)
Jeune Afrique. « Ibrahim Boubacar lance un dialogue national inclusif » https://www.jeuneafrique.com/pays/mali/
(Accessed December 14 2019)