« Je renonce au poste de président »
Le mardi 12 novembre 2019, Evo Morales annonce qu’il démissionne après être resté 14 ans au pouvoir. Suite à la pression du peuple et de l’armée, celui qui lors de sa prise de pouvoirs en 2006 représentait un réel espoir pour La Bolivie a finalement décidé de se retirer du pouvoir. Après sa démission la vice-présidente du Sénat, Jeanine Áñez, s’est autoproclamée présidente par intérim et prévoit de mettre en place des élections démocratiques le plus rapidement possible. Cependant, si ce rebondissement semblerait être un premier pas vers une Bolivie démocratique, le chemin reste encore long et plusieurs doutes subsistent. Doit-on parler d’espoir ou bien d’illusion ? La Bolivie entame-t-elle réellement son chemin pour devenir un État de droit ?
Le bilan mitigé d’Evo Morales..
Evo Morales est élu en 2006 à la tête de la Bolivie alors que l’Amérique Latine opère un virage à gauche après l’élection de nombreux présidents socialistes. Son élection est vue comme un réel espoir pour le peuple bolivien et notamment pour les indigènes, peuple majoritaire dans le pays. En effet, Morales est le premier indigène élu à la tête du pays. Dès son arrivée au pouvoir ses intentions sont claires : mener des politiques sociales et mettre fin aux politiques néo libérales qui ont dirigé le pays depuis les années 90.
Ainsi, en 2006 il nationalise les hydrocarbures. En 2009 il met en place un État « plurinational » pour reconnaitre la diversité culturelle et linguistique du pays. Dans un pays où 60% de la population est indigène, nul doute que les politiques menées par Morales sont soutenues par la majorité du peuple. Très rapidement ses politiques portent leurs fruits : la pauvreté est divisée par deux, les inégalités reculent, la croissance économique atteint 5% et la dette passe de 75% à 25% du PIB. Certains parlent même de « décennie d’or ».
Cependant, très rapidement, celui qui se voulait représentant du peuple bolivien faillit à son devoir. En effet, beaucoup ont dénoncé la dérive autoritaire du chef d’État : culte de la personnalité, concentration des pouvoirs autour du président, modification de la Constitution pour s’assurer des mandats supplémentaires etc. En effet, alors même qu’en 2016 la population avait voté à 52% pour que Morales ne puisse pas se représenter pour un quatrième mandat, le Tribunal constitutionnel alla à l’encontre de la volonté du peuple et l’autorisa à briguer un nouveau mandat pour 2019. Aujourd’hui, c’est d’ailleurs ces élections de 2019 qui posent problème. En effet, le peuple accuse Evo Morales de fraude lors de l’élection du 20 octobre 2019 et c’est bien la pression du peuple qui poussa en partie Morales à quitter le pouvoir ce 12 novembre 2019.
Les rebondissements de Novembre..
Après que le peuple et l’armée aient fait pression auprès de Morales pour qu’il démissionne pour « le bien du pays », celui-ci s’est réfugié au Mexique. Cet exil fut l’occasion pour la vice-présidente du Sénat, Jeanine Áñez de s’auto-proclamée présidente par intérim après s’être fait remettre l’écharpe présidentielle par le commandant en chef de l’armée, mais sans le quorum nécessaire. De plus, avant de se proclamer présidente du pays elle s’était déjà proclamée Présidente du Sénat. Jeanine Áñez appartient au mouvement social-démocrate, un parti opposé à celui d’Evo Morales. Dès sa prise de pouvoir celle-ci annonça qu’elle convoquerait le plus rapidement possible des élections présidentielles qui se voudront transparentes et démocratiques afin de « récupérer la crédibilité démocratique de notre pays ». Le nouveau chef d’État de la Bolivie devrait alors prendre ses pouvoirs le 22 janvier 2020. Le 20 novembre 2019, Jeanine Áñez a donc envoyé une proposition de loi au Parlement afin de convoquer de nouvelles élections présidentielles et législatives.
Les conséquences de ce rebondissement
La démission de Morales ne fut pas sans conséquence. En effet, le peuple a tout de suite réagi face à ce bouleversement politique. Beaucoup de partisans de Morales décidèrent de manifester dans les rues (notamment celles de Cochabamba : fief de Morales), ce qui engendra de grandes violences avec la police. Ces manifestations sont l’expression de la « loyauté » de certaines parties de la population, notamment les indigènes, envers Morales.
Aujourd’hui le bilan humain est lourd puisque l’on compte une trentaine de morts et près de 400 blessés au cours d’affrontements avec la police. Les tensions sont de plus en plus fortes puisque depuis le Mexique, Morales encourage ses partisans à lutter contre « le coup d’État » dont il a été victime. Outre les manifestations, plusieurs routes ont été coupées, notamment vers la Paz, empêchant la ville d’être approvisionnée en nourriture et en carburant. De plus, à la Paz et à El Alto de nombreux autobus ont été incendiés. Le pays, en proie à l’instabilité est donc en plein chao.
Les conséquences diplomatiques de ce rebondissement sont elles aussi très importantes. En effet, la démission de Morales révèle les alliances politiques existantes au sein du continent latino-américain. En effet, d’une part, les présidents cubain et vénézuélien ont appelé au coup d’État et ont même créé le hashtag #Evonoestassolo pour manifester leur soutien au président déchu. D’autre part, le président péruvien et équatorien ont eux refusé que l’avion de Morales survole leur territoire.
De plus, depuis sa prise de pouvoir, Jeanine Áñez a déjà mis en place des mesures diplomatiques qui tranchent nettement avec celles mises en place par Morales. En effet, la ministre des Affaires étrangères Karen Longaric a annoncé l’expulsion de l’ensemble du personnel diplomatique vénézuélien et le gouvernement bolivien a annoncé son soutien à Juan Guaido comme président intérim du Venezuela. Enfin, le gouvernement a annoncé le retrait prochain de la Bolivie de l’ALBA qui réunit entre autres Cuba et le Venezuela. En effet, le gouvernement actuel compte se rapprocher des États-Unis (L’OEA supporte d’ailleurs la candidate Áñez) et ainsi prendre ses distances avec cette organisation qui fut créée en 2004 en réponse à la ZLEA proposée par les États-Unis.
Quel futur pour la Bolivie ?
Il devient urgent pour la Bolivie d’organiser le plus rapidement possible des élections présidentielles transparentes afin de pacifier le pays. Le peuple a actuellement espoir qu’Áñez tienne parole et fasse en sorte que la Bolivie redevienne un pays démocratique. Cependant, les doutes persistent et beaucoup ont peur que la nouvelle présidente profite de la situation pour s’installer au pouvoir sur le long terme. Alors va-t-elle tenir parole ou l’espoir qu’elle a fait naitre chez les boliviens n’est-il qu’illusion ? Ce qui est certain c’est qu’au vue des tensions qui déstabilisent actuellement le pays il ne sera pas aisé de trouver un candidat pouvant faire l’unanimité au sein de la population. Aujourd’hui la situation du pays est alarmante et l’avenir de la Bolivie reste bien incertain.
Sources :
« Evo Morales, une icône indigène déchue qui promet de revenir « avec plus de force » -Le Monde
« La Bolivie dans l’expectative après la prise de fonctions de la nouvelle présidente par intérim» -Le Monde
« Après trois semaines de contestation, le président bolivien Evo Morales annonce sa démission » -Le Monde
« El vacío de poder sume a Bolivia en el caos » – El País
https://elpais.com/internacional/2019/11/11/actualidad/1573482680_084941.html
« Bolivia crisis: how did we get here and what happens next? » – The guardian
https://www.theguardian.com/world/2019/nov/15/bolivia-crisis-what-happens-next-evo-morales
“ Is it a coup or a return to democracy? Battle for Bolivia’s soul rages” – The Guardian
“Qui est Jeanine Áñez, présidente de la Bolivie “par hasard” ?” – Courrier international
« Lâché par l’armée et conspué par la rue, Evo Morales démissionne » – Courrier International
« Evo Morales renunció a la presidencia de Bolivia » – El Deber
https://www.eldeber.com.bo/156205_evo-morales-renuncio-a-la-presidencia-de-bolivia
Bolivia : Between instabilities and hopes
“I give up on my position of President of Bolivia”
Tuesday, 12 November 2019, Evo Morales has resigned after being at the head of Bolivia for 14 years. Given the pressure of the people and the army, Evo Morales who represented a real hope for Bolivia when he was elected in 2006, finally decided to resign. After his resignation, the Bolivian senator Jeanine Añez has declared herself the country’s interim president and she has planned to organize democratic elections as soon as possible. However, if this unexpected situation seems to give a glimmer of hope to Bolivia, the fight is still far from being won and many doubts subsist. Should we talk about hope or should not we rather talk about illusion?
Evo Morales’ underwhelming results
Evo Morales was elected President of Bolivia in 2006 while America Latina was carrying out a left-wing shift. His election has been seen as a real hope for Bolivian people and especially indigenous people who are the majority of the country. Indeed, Morales Is the first indigenous President-elect of the country. As soon as he was elected, his intentions were clear: carry out social politics and put an end to the neoliberal politics that had been implemented in the country since 90’s. Thus, in 2006 he decided to nationalize the hydrocarbons. In 2009, he implemented a “Plurinacional” State so as to recognize the cultural and linguistical diversities of the country. In a country where 60% of the population is indigenous, Morales politics were mainly approved by the people. These politics bore fruits quickly: poverty has been divided by two, inequalities have diminished, the economic growth reached 5% and the debt went from 75% to 25 of the GDP. Some people even talk about a “golden decade”.
However, the one who wanted to be the representative of Bolivian people failed to fulfill his goals. Indeed, many people have denounced Morales’ authoritarian drift: personality cult, concentration of powers around the President, modification of the Bolivian Constitution so as to guarantee extra mandates. Indeed, even though in 2006, 52% of the population voted so that Morales could not stand for a fourth term, the Constitutional Court decided to authorize Morales to aspire to a new mandate in 2019. Today, these elections cause a problem. Indeed, the people accuse Evo Morales of fraud during the elections of the 20 October 2019 and it is the people’s pressure which partly pushed Morales to resign.
November unexpected situation
After that the people and the army put pressure on Morales so as to resign “for the good of the country”, Morales decided to take refuge in Mexico. This exile was a real opportunity for the senator Jeanine Áñez to declared herself as the country’s interim president after receiving the presidential sash by the commander-in-chief of the army but without the necessary quorum. Moreover, before claiming herself as the new President of the country she had already claimed herself as President of the Senate.
Jeanine Anez is a member of the social democrat movement, a political party opposed to Morales’ party. Since her assumption of power she announced she would organized democratical presidential elections as soon as possible so as to “ get the country’s credibility back” . The new Bolivian President should be elected on 22 January 2020. On 20 November 2019, Jeanine Anez sent a bill to the Parliament so as to organize legislative and presidential elections.
The consequences
Morale’s resignation is not without consequences. Indeed, the people reacted straight over. Many Morale’s partisans decided to take the streets ( especially in Cochabamba: Morale’s fiefdom) which has led to violence with the police force. Those demonstrations are the expression of the “loyalty” of a part of the population, especially indigenous people, towards backlash Morales. Today the human cost is serious because the violence with the police claimed about thirty lives and almost 400 injured people. The tensions are more and more important insofar as Morales encourage his partisans to fight against “ this coup” . Apart from the demonstrations, many road have been closed, especially in la Paz, avoiding the city to be supplied with food and fuel. Moreover many bus have been burned out in La Paz or in El Alto. The country, preys to instabilities is thus, in a real chao.
The diplomatical consequences are also serious. Indeed, Morale’s resignation reveals the political alliances that exist in Latin America. Indeed, on the one hand, the Cuban and Venezuelan presidents called for a coup and have created an hashtag #Evonoestassolo so as to show their support to the fallen President. On the other hand, the Peruvian and Ecuadorian presidents have refused to let Morale’s flight fly over their territory.
Moreover, since her assumption of power, Jeanine Áñez has already put forward ideas and politics far from those implemented by Morales. Indeed, Foreign Minister Karen Longaric announced the expulsion of all Venezuelan diplomatic staff, and the Bolivian government announced support for Juan Guaido as interim president of Venezuela. Finally, the Bolivian government has announced that he will withdraw from the ALBA: an association with Cuba and Venezuela among others. Indeed, Bolivia wants to get closer with the United States( The OAS backs Áñez’s candidacy) and distance itself from this organization created in 2004 in response to the ZLEA proposed by the United States.
Which future for Bolivia?
It has become urgent that Bolivia organizes democratic presidential elections as soon as possible so as to pacify the country. The people has high hopes of Jeanine Anez sticking to her words to make Bolivia a democratic country. However doubts remain and some people fear the fact that the new president takes the advantage of the situation so as to take power in the long term. Will she keep her words or is it just an illusion? What is certain is that given the tensions that undermine the country, it will not be easy to find a candidate that will win unanimous support. Today the country’s situation is alarming and the future of Bolivia is really unpredictable.
Sources :
« Evo Morales, une icône indigène déchue qui promet de revenir « avec plus de force » -Le Monde
« La Bolivie dans l’expectative après la prise de fonctions de la nouvelle présidente par intérim» -Le Monde
« Après trois semaines de contestation, le président bolivien Evo Morales annonce sa démission » -Le Monde
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/11/10/evo-morales-annonce-la-convocation-d-une-nouvelle-election-presidentielle-en-bolivie_6018684_3210.html« El vacío de poder sume a Bolivia en el caos » – El País
https://elpais.com/internacional/2019/11/11/actualidad/1573482680_084941.html
« Bolivia crisis: how did we get here and what happens next? » – The guardian
https://www.theguardian.com/world/2019/nov/15/bolivia-crisis-what-happens-next-evo-morales
“ Is it a coup or a return to democracy? Battle for Bolivia’s soul rages” – The Guardian
“Qui est Jeanine Áñez, présidente de la Bolivie “par hasard” ?” – Courrier international
« Lâché par l’armée et conspué par la rue, Evo Morales démissionne » – Courrier International
« Evo Morales renunció a la presidencia de Bolivia » – El Deber
https://www.eldeber.com.bo/156205_evo-morales-renuncio-a-la-presidencia-de-bolivia